Les souvenirs sexuels sont des coarctations aortiques…
Deuxième partie
“Bien avant que l’on n’invente le premier restaurant, offrir de la nourriture a fait partie des stratĂ©gies de sĂ©duction, depuis la nuit des temps. Ce comportement se retrouve dans les lignages animaux indĂ©pendants, ce qui prouve que c’est sans doute une invention rĂ©currente de la vie. Le plus souvent, ce sont les mâles qui offrent, afin d’immobiliser les femelles lors de la copulation.”
AndrĂ© Langaney, MusĂ©um d’histoire naturelle, Genève.
“Tu ne le sais pas encore, mais tu es dĂ©jĂ mort” : VoilĂ exactement ce qu’on pouvait penser pendant ma prestation tĂ©lĂ©phonique du soir avec Caroline, la chronique d’un Ă©chec annoncĂ©… je ne connaitrai jamais sa beautĂ© intĂ©rieure, ses gouts littĂ©raires ou musicaux, jamais je ne la regarderai dormir en frĂ´lant ses cheveux du bout des doigts, n’irai en vacances avec elle, jamais ses amis ne me feront rire en parlant des anecdotes de son passĂ©, jamais nous n’aurons de photos de nous, jamais elle ne se lovera contre moi, après avoir fait l’amour… et jamais elle ne me dira : que j’ai oubliĂ© d’acheter la lessive… que mon copain Orang-outan est un peu lourd… qu’elle m’aime plus que tous les autres et que je dois dire pareil… que je bois trop de mojitos… que je dois choisir entre elle et d’autres… que je dois bruler les photos de mes ex… que j’ai trop d’imagination sexuelle… que ma copine Anamary est trop prĂ©sente… que je dois effacer tous les numĂ©ros de tĂ©lĂ©phone des filles dans mon agenda… que l’amitiĂ© homme-femmes n’existe pas… que la fidĂ©litĂ© n’est pas un mythe… qu’elle veut un chien… que je conduis trop vite des voitures de dingues… qu’elle prĂ©fèrerai que je roule en Mercedes qu’en Corvette… qu’elle n’aime pas mon Pick-up jaune… que je me sers trop de mon PC… que je dĂ©pense beaucoup et de manière irresponsable… qu’elle veut me prĂ©senter sa famille… qu’elle veut un sac Vuitton comme sa copine (qui est une de mes ex)… que je ne la regarde pas aussi intensĂ©ment qu’elle voudrait… qu’elle a envie d’avoir cinq enfants… que je dois manger chez ses parents dimanche… qu’elle va vite perdre ses nouveaux kilos… que je regarde trop sa copine… qu’il faut faire un cadeau Ă sa soeur… qu’elle voudrait que je lui achète une petite voiture pour la ville… qu’on ne sort plus comme avant… que ce qui se passe dans les films X n’est pas naturel Ă reproduire… que si j’Ă©tais elle demain, je ne m’appellerais pas…
Jeudi soir, je revois la russe de Meetic. Elle aime beaucoup se faire inviter Ă diner. Ses lèvres sont refaites, son nez Ă©galement ; les premières sont enkystĂ©es et partiellement insensibles, le second est Ă©patĂ©, trop prĂ©sent, vulgaire comme son regard est froidement aguicheur. L’Urss est dĂ©cĂ©dĂ©e. Notre deuxième rencontre fut vendredi après midi. Son français n’a ni verbe ni temps, elle s’exprime peu mais rit très fort, grassement, d’une voix grave, caverneuse, asexuĂ©e, vide de sensualitĂ©. Ses seins dodus sont probablement retouchĂ©s ; je les regarde hypnotisĂ©, elle ne dit rien, se laisse faire, je sens mon Ĺ“il obscène, immobile, je suis derrière un miroir sans tain, sans miroir, je consomme et me sers, la gondole est lĂ , sans verbe, ni temps. Nous sommes au fond du Styx. Sa poitrine est Ă©ternelle pendant quelques secondes. Pull chaussette rouge. Irina fait très salope, mais je suis pire.
L’animal exposĂ© a des stimulations sexuelles rĂ©pĂ©tĂ©es et gratifiantes peut passer sa vie Ă chercher Ă s’accoupler ou Ă se masturber jusqu’Ă en oublier de manger, passant du simple plaisir Ă l’addiction. Ainsi, l’utilisation permanente, par la publicitĂ© ou les mĂ©dias, d’images exposant des crĂ©atures hypersexuĂ©es ou idĂ©alisĂ©es pour des propagandes commerciales qui n’ont rien Ă voir, pourrait bien dĂ©tourner nos semblables de leur bonheur quotidien au profit de paradis aussi virtuels qu’inacessibles.
A midi, je me suis gavĂ© de petits Corayas, digĂ©rĂ©s avec un fond de Bacardi en dessert, repu avec un cafĂ©. Chair de poisson 38%, eau, blanc d’oeuf, amidon de blĂ©, fĂ©cule de pomme de terre, huile de colza, sel, sucre, arĂ´me crabe, stabilisant : sorbitol, polyphosphates, exhausteur de goĂ»t : glutamate monosodique, colorant : extrait de paprika… Je suis un homme sain qui va finir son dimanche devant DesespĂ©rate Housewifes. Je suis une brève histoire du temps comme StĂ©phen Hawking. La journĂ©e dominicale est mon trou noir, absorbant neurones et photons, je n’ouvre pas les stores, je sens la bougie vanille-orchidĂ©e Carrefour, Ella Fitzgerald berce une flamme. Mon Ă©rection du matin me parle : “que vas tu faire de moi”. Je suis un solitaire silencieux, je pars en vadrouille dans ma cuisine, mon sexe agonise devant la porte du frigo sans voir se vider la bouteille de Tropicana Pulpissimo, bien meilleure que le Tropicana Orange et pulpe. L’Univers est arbitraire. Une femme qu’on baise avec amour, un autre qu’on sodomise Ă la Hussarde, inconciliables sans doute ; quand d’autres tentent de lier relativitĂ© gĂ©nĂ©rale et mĂ©canique quantique dans une Ă©quation du tout, mon problème n’a qu’une inconnue, un prĂ©nom.
Newton dĂ©couvre la loi de la gravitĂ© : tout corps attire tout autre corps selon une force proportionnelle Ă la masse de chacun des corps. Dans les relations humaines, tout corps fĂ©minin repousse un corps masculin selon une force proportionnelle Ă la masse de ce corps, sauf si il y a de l’alcool et aucun ami pour ĂŞtre tĂ©moin de la faiblesse du second corps. Je suis nĂ© en tĂ©tant un gros sein, je n’y peux rien. Et que rĂ©pondre Ă cette Ă©rection “qu’as tu fait de moi”…? Une petite masturbation est la rĂ©ponse appropriĂ©e ! Il y avait moi. Et puis autour il y avait environ 80 femmes.
Magasin Zara, 16h. SOLDES !!! Euphorie gratuite, je suis accoudĂ© Ă un prĂ©sentoir devant le monde et sa misère, des joutes de regards hostiles vers les paires de bottes Ă 45 euros, et des trous, des petits trous, partout. J’accompagne Delphine, chienne folle dans un champ de truffes, elle accuse la trentaine flagrante Ă cotĂ© des vendeuses, des clientes; son expression, son regard pĂ©tillant ont un effet dĂ©lavĂ©, ridulĂ©. Elle m’a demandĂ© de l’accompagner aux Soldes, me promettant ensuite quelques privautĂ©s… La relativitĂ© trouve sa splendeur dans la comparaison, dans la fatalitĂ© du temps et de son observateur. Je la laisse fuir sans l’accompagner au premier Ă©tage.
Surprise, un petit cul Ă demi nu se dĂ©voile Ă ma gauche, le jean taille basse est mon meilleur ami, c’Ă©tait un string Ă fleurs turquoises, sans connaissance, sans prĂ©nom mais immortel. Je suis un fantĂ´me, invisible, envie de voler du regard une paire de seins, un maquillage trop marquĂ©, une blonde mĂ©chĂ©e asymĂ©triquement, des brunes aux cheveux tirĂ©s, plaquĂ©s, enfilĂ©es les unes près des autres devant les collines de chaussures dĂ©pareillĂ©es comme elles. La vie Ă l’Ă©tat brut : bactĂ©rienne. Elles ont 15 ou 60 ans, sont lĂ , heureuses et fourmillantes, se dandinent et jonglent avec les 36 ou 42, se dĂ©visagent, essayent, payent et font la queue devant la mienne. Si une d’entre elles pouvait se casser une patte, si une seule pouvait s’isoler dans un coin du magasin loin du troupeau, je serais dans un documentaire animalier, prĂ©dateur dans les hautes herbes, près Ă dĂ©chirer de la chair, du cul, faire une romantique boucherie, et l’inonder de roses ou de sperme, sous la narration de Pierre Arditi.
Vient mon tour, l’ambiance est plus calme, un gentil gay me touche le bras quinze fois pour me dire que ce costume Kenzo me va tellement bien, que ce jean’s est parfait, que ces basquettes bleu-Armani iraient si bien avec. Une mignonne petite blonde aux gros seins est collĂ©e Ă mon caddie et s’y Ă©jecte parfois, propulsant avec entrain son mètre soixante dans les rayons comme un yo-yo, revenant qui avec une tablette de chocolat, qui avec un paquet de tampax.
DĂ©couverte : Il y a beaucoup de femmes seules. Validation d’une ancienne dĂ©couverte : l’homme accompagnĂ© a un succès dĂ©cuplĂ©.
Explication. La rencontre humaine reste Ă la base primitive, son but : l’accouplement. Trouver un partenaire en bonne santĂ©, au sperme fertile, un minimum dominant pour assurer la pĂ©rennitĂ© de la portĂ©e. La tâche est compliquĂ©e car prenant un temps de plus en plus long avec le degrĂ© d’Ă©volution de l’espèce. (la beautĂ© sociale du mâle entrant en jeu). Vient alors la dĂ©duction fĂ©minine primaire : Si cet homme devant moi, si celui ci est accompagnĂ©, a Ă©tĂ© choisi par cette belle femme Ă ses cĂ´tĂ©s, le travail a dĂ©jĂ Ă©tĂ© fait. Il a dĂ©jĂ Ă©tĂ© jugĂ©, jaugĂ©, par une congĂ©nère de mĂŞme espèce et de mĂŞme rang dans la hiĂ©rarchie physique (et sociale). Elle ne peut ĂŞtre avec lui, l’avoir sĂ©lectionnĂ©, que s’il regroupe les qualitĂ©s essentielles Ă la condition d’homme bien. Il devient plus attirant, plus visible. Ce travail est inconscient, essentiel, animal. N’importe quel homme sait et sent qu’il a plus de regards, plus de pertinence et de crĂ©dibilitĂ© quand il est avec une ou deux amies, et que son attirance est proportionnelle Ă la beautĂ© des filles qui sont avec lui Ă ce moment prĂ©cis.
MĂ©canisme complètement diffĂ©rent pour une femelle accompagnĂ©e de plusieurs mâles, l’attirance fĂ©minine pour l’homme se faisant quasi uniquement sur des critères visuels et physiques; une paire de fesse, des seins volumineux, des cheveux longs et Ă©pais, une courbure de hanches.. et certainement pas par la prĂ©sence de copains autour de la belle. Donner son sperme au plus grand nombre possible dans l’espoir d’avoir une descendance gĂ©nĂ©tique pour le mâle; sĂ©lectionner le meilleur sperme pour la femelle, assurĂ©e de sa propre transmission d’ADN… TestotĂ©rone et oestrogène se cherchent et se baisent ; l’art et la manière diffĂ©rent… Je pouvais probablement sauter une blonde bouclĂ©e, renommĂ©e caisse 42. Je le sais parce nous sommes passĂ©s caisse 43 et que, dixit ma collègue avec Ă©lan : “elle a chaud celle lĂ “… StĂ©phanie annule notre rendez vous pour cause : soldes avec une copine : la boucle est bouclĂ©e.
“L’amour est une poussĂ©e Ă©phĂ©mère de dopamine, de noradrĂ©naline, de prolactine, de lulibĂ©rine et d’ocytocine. Une petite molĂ©cule, la phĂ©nylathylamine (PEA) dĂ©clenche des sensations d’allĂ©gresse, d’exaltation et d’euphorie. Le coup de foudre, ce sont les neurones du système limbique qui sont saturĂ©s en PEA. La tendresse, ce sont les endorphines. La sociĂ©tĂ© vous trompe : elle vous vend le grand amour alors qu’il est scientifiquement dĂ©montrĂ© que ces hormones cessent d’agir après trois annĂ©es. La majoritĂ© des divorces ont lieu au cours de la quatrième annĂ©e : en Finlande, en Egypte, en Afrique du Sud, les centaines de millions d’hommes et de femmes Ă©tudiĂ©s par l’ONU, qui parlent des langues diffĂ©rentes, exercent des mĂ©tiers diffĂ©rents, s’habillent de façon diffĂ©rente, manipulent des monnaies, entonnent des prières, craignent des dĂ©mons diffĂ©rents (…) connaissent tous un pic des divorces après trois ans de vie commune. Cette banalitĂ© n’est qu’une humiliation supplĂ©mentaire.”
F.Beigbeder, l’Amour dure trois ans.
J’Ă©tais au feu rouge, en train de tĂ©lĂ©phoner Ă Lowen, une Bretonne, quand la 206 derrière moi oublie de freiner et heurte mon pare-chocs. Je regarde dans le rĂ©troviseur. Je sors. C’est une femme simplement moche exhibant des traits anguleux aux chromosomes ambigus, un gilet mauve visant le fushia, les cheveux courts mais pourtant gras, il fait beau, le soleil luit. Arc en ciel microscopique entre les racines blondes et les follicules, mon pare-chocs est bien rayĂ©.
Je rĂŞvais pourtant de cet instant, une jolie blonde grande mince et maladroite, une carrosserie abimĂ©e, un constat Ă faire mais il pleut : “abritons nous, il manque des papiers, oui je note ton numĂ©ro, je passe du orange au rouge, revoyons nous veux tu, oui ce soir par un hasard comme celui ci, aidons le juste un peu”.
Je lui en ai voulu Ă ce boudin qui ne sait ni conduire ni s’habiller, Ă ce manque d’hygiène qui brise mes rĂŞves lĂ , en plein carrefour.
Solitude.
Alors ce n’est finalement pas grave, ma voiture n’a rien je l’ai dĂ©cidĂ© je suis pressĂ©, elle est heureuse, pas de malus. Comportement exemplaire. Je n’en veux pas de toute façon Ă cette blonde conduisant sa voiture blanche immaculĂ©e qui sort d’un Disney seule et unique dans ma vie urbaine ; je veux des petites voitures conduites par des brunes, des utilitaires et des breaks Ă gros seins, des citadines mĂ©chĂ©es et des 4×4, je veux l’Ă©tĂ© en cabriolet Golf option pĂ©tasse, se baisser et ramasser, qu’on explose mes flancs, mes ailes, chaque jour que je vive sous les constats sans jamais faire le mien.
Je suis un collectionneur d’automobiles extraordinaires, et chaque jour qui passe, j’ai un peu moins de chance de me taper les copines de ma fille de 20 ans.
quelqu’un d’autre que moi-mĂŞme a cassĂ© ma libido. Ce soir, je vais sortir, et j’ai pas envie. Rien, pas envie de boire, pas envie de fourrer des choses dans mon nez, pas envie de me cogner aux murs en grommelant, de me perdre dans ma propre ville, pas envie de diner entourĂ© de putes voire de serveuses, pas de envie de converser : “Tu as fait architecture ? mon père est archi aussi, un autre verre ?”
Quand la rencontre devient informatique, au bout d’une canne Ă espoir, un vers pop-up, quelques lignes embrayent sur une minuscule photo. Le teaser est rapide, on cliquera ou pas, secondes fractionnĂ©es, marketĂ©es, la magasin n’a pas de portes. Consommons !
Meetic est composĂ© de rayons mouvants et de produits-clients, certaines lignes, certaines recherches orientent et guident vers les guichets, la queue est longue devant les tchats. Patience, les corps sont soldĂ©s, dĂ©busquer une bonne affaire n’est pas si facile. Cherchons. Trions. Poubelle verte ou grise…
“Je suis tres affectueuse, caline, resservè, et je cherche un homme gentil pour faire un chemain ensemble…Alors si vous vous reconnaissez….Ă©crivez moi !!!! ses simples les choses de la vie.” Piting de fautes d’orthographes, avant de commencer, c’est dĂ©jĂ fini quand on lit ça…
Le magasin devient parfois animalerie, quand la femme se veut ĂŞtre petit mammifère docile et dominĂ©e, sorte de chiot propre qui n’aboiera jamais trop fort, assis lĂ , quĂ©mandant promenade contre affection… avec ce regard dĂ©sespĂ©rĂ© face Ă l’amour de celui qu’on abandonne sur une aire d’autoroute, il a fait son temps…
“Femme fĂ©minine, tendre, dynamique, Ă©quilibrĂ©e, aimant la vie, souriante, raffinĂ©e, cherche homme mĂŞme profil, libre, disponible, positif, stable, avec de vraies valeurs, motivĂ© pour s’investir Ă deux, et vivre une belle histoire d’amour sans le mot fin””.
Le magasin devient agence immobilière, le pavillon se commande, la location se cherche, libre de suite, avec ascenseur, sans vis Ă vis, belles prestations… prĂ©voir cv et fiches de paye.
Puis viennent les autres, en libre service, qui courent après le temps ou un lapin, après cet espoir qui se pixĂ©lise, ça copie, ça culpabilise, ça invente, ça philosophe, ça achète une pelle et ça creuse en regardant passer les nuages…Je suis une bouillotte qui tourne Ă froid.
“Bonjour…comment dĂ©crire en quelques mots ce que je recherche…je pense la mĂŞme chose que bcp d’autres personnes sur ce site. Alors si vous voulez discuter avec moi et me connaitre, n’hĂ©sitez pas Ă me faire signe”
“E. 25 ans Lyon je ne pas pourquoi je me suis inscrite sur ce site, alors prouvez moi que j’ai eu raison…”
“J’espère, j’attends mon âme soeur, mais pas seulement. L’amour commence quelques fois par une amitiĂ©, et mon coeur est assez grand pour y abriter les deux… PS: Je ne donnerais ma photo qu’Ă ceux avec qui je ressentirais un feeling”
“Je souhaite nouer contact avec un homme sympa, intello mais pas trop, sportif mais pas trop, ayant de l’humour…en bref…bien dans sa peau. DĂ©primĂ© s’abstenir!!!! Nous partagerons de longues conversation et peut etre plus… Laissons faire le hasard.”
LĂ , le silence, amer, glacial. LĂ bas, une fusion d’atomes de cons. Demain, je change de monde et je plaide non coupable, je n’ai qu’une dĂ©fense.
Mon chauffage s’est arrĂŞtĂ©, je ne veux plus de cul, je veux baiser des cerveaux transpirants et humides, foutre ma queue dans un amas neuronal, et rester lĂ , toute une nuit, synaptique. Je veux ĂŞtre un axone, le seul et l’unique, je veux cette jonction avec l’autre, fatale, sentir le vent qui l’amène, nue, juste pour moi…
La navette se gare près de moi, une blonde mĂ©chĂ©e au crayon labial appuyĂ© ouvre la porte latĂ©rale coulissante, me prĂ©sente un bout de chatte encore Ă©pargnĂ©e d’un string noir, et me fait signe de la rejoindre.
Bienvenue au Club Med.
Les unes arrivent, les autres débarquent des quatre coins du pays aux quatre coins du Club, toutes se rejoignent, grouillantes de gloussements torturés, elles ont entre 20 et 30 ans, caquètent et pondent des rires sous les pupilles dilatées de mes homologues masculins, eux qui, se paralysent devant ces culs parfaitement taillés pour la compétition des corps, des maquillages soignés aux mains french manucurées pour 30 euros.
Elles sont un essaim hormonal sans reine ni miel, ces ouvrières perdues, enfumĂ©es par leur propres reflet, tournent et dĂ©tournent en formant des huit, je veux y aller plonger ma queue pour qu’on m’envenime par centaines.
En option dans le pack sĂ©minaire, 100 gentilles organisatrices, uniquement payĂ©es pour Ă©viter que je m’emmerde, en gage, open bar quotidien de sorte qu’il y a ait plus de molĂ©cules de culs dĂ©vouĂ©s que d’azote dans l’air. Inspiration, expions…
Tout n’est pas si rose au pays des cases, dans la salle de plĂ©nière, l’immense silence bat au rythme de mes systoles bĂ©tabloquĂ©es par 100mg d’AtĂ©nolol.
Je suis assis, la tĂŞte serrĂ©e par un micro casque, oppressĂ© d’un titre de BeyoncĂ©; près de moi, un prĂ©sentateur rĂ©pète, il est temps de m’introduire ma co-animatrice, Sophie, compagne de l’enfer des 600 regards. Sophie parfaitement Ă l’aise, frĂ´le le mètre soixante dix, son haut est blanc, moulant, zippĂ©, ouvert, elle sourit comme une Miss Aquitaine; ses yeux sont d’un bleu coquin en forme d’amande. Banale efficacitĂ© d’une jolie blonde souriante, ni conne, ni le contraire, rĂ©alisme anthropomorphique, il y a de ces amandes qu’on retrouve accoudĂ©es au bar entre les cacahouètes et les cendriers. Les portes s’ouvrent, bruits et pas entrent lentement comme un mĂ©decin soucieux, je suis malade sĂ»rement, la nouvelle s’annonce par tous ces corps qui s’assoient et discutent sans comprendre que je suis lĂ , avec ma blonde, Ă attendre la fin par un dĂ©but en souffrance. Applaudissements.
Je me lève. Sophie est dĂ©jĂ sur scène, ses seins sont comprimĂ©s, je suis tendu. Les projecteurs me brulent, mais je ne vois rien ni personne, le micro lance ma voix contre un mur blanc et chaud, je ne la reconnais pas. Alors, Ă©trangement, la lumière devient nativitĂ©, douce, rassurante, le murmure qui monte des sièges une berceuse enivrante, je dĂ©gorge du Warhol, les minutes passent, je suis toujours lĂ Ă sentir ces regards qui parlent et critiquent, je suis un autre que j’aime.
Fin du spectacle.
Le noir Ă©teint la salle, Sophie devient complice tactile, le zip se dĂ©zippe et ses seins se dessinent sous mes yeux rougis, dilatĂ©s et sincères. Des gens aux Ă©normes salaires viennent nous voir, me parlent, on pose des mains sur mon Ă©paule, on me sourit de près, on me regarde de loin, on serre ma main, me frĂ´le, j’entends mon prĂ©nom lĂ bas, puis ici dans la gorge d’une grande brune ou je me verrais tant. Au bar, ça ribambelle, ça sert, ça met du citron vert, des glaçons qui glacent et sourient, un peu plus par lĂ , ou alors lĂ , tiens. Et puis non. Je pars de la gauche en visant la droite, le monde est lĂ , partout. Je commande, Sandra se lève et marche vers moi pour une conversation de 20mn, inutile. On me dit que je sens bon, Armani Code Ă tout prix. Delphine nous rejoint, Sandra valse et s’enfuit, une beautĂ© frappante diluĂ©e sous cette lumière instable. Je bois, nous buvons, elles boivent. Quelque part sur l’arc en ciel je suis cachĂ©. Audrey nous regarde, puis Sandy passe, je marche derrière Vanessa, la “Go” Ă queue de cheval si tirĂ©e que ses yeux n’ont plus le temps d’implorer les hommes, alors son cul s’offre Ă nos vues. Je bois un Martini-Gin.
Au milieu du bar, je m’arrĂŞte avec Emilie, une pause sociale pour une fille moche, sans avenir ici, la concurrence est trop rude, dĂ©licat instant. Elle est en plus spĂ©cialement stupide et rigole comme une truie qu’on saigne, elle me touche beaucoup et ça m’horripile. Envie de lui hurler “casse toi“, mais “j’aime beaucoup ta robe” sortira Ă la place, elle me touche encore, je n’explose pas de justesse. Cette petite conne ne comprend rien. Baiser une commerçante, c’est comme possĂ©der un petit hamster dans une cage.
J’Ă©tais garĂ© lĂ , en fin de journĂ©e, observant quelques minutes Audrey la boulangère, et son haut petit bateau Ă col V couleur marine, qui rangeait les dernières flutes sous le sillon d’un cul ferme et accueillant lĂ©gèrement enfarinĂ©. J’avais du prendre un pain au chocolat par jour le matin, plus une baguette chaque soir pendant de longues semaines, peut ĂŞtre trois, avant d’oser l’inviter Ă boire un verre. Et beaucoup parler Ă sa caisse enregistreuse, la faire rire, ne plus venir pendant quelques jours, puis changer subitement d’horaires, oublier ce piercing enflammĂ© dans sa narine gauche et sa voix nasillarde tueuse de sensualitĂ© : venir en costume, puis en haut Adidas rouge, ĂŞtre distant, sĂ©rieux, touchant, parfois ne pas aller très bien pour qu’elle se demande… venir avec une amie pour qu’elle se demande… acheter deux pains au chocolat un dimanche matin pour… un oui.
Le plaisir a duré trois semaines de nuits à y penser, de jours à la regarder, parfois jouer avec ma monnaie là , sans la rendre, faire tomber une pièce, servir ce client derrière moi, sourire comme après un premier réveil en tendant juste un pain au chocolat.
“Non c’est moi qui vous remercie”
“Il vous fallait autre chose ?”
Oui, il me faut toi, ici maintenant, vire moi tes sucettes et tes guimauves, tes p’tits pains briochĂ©s, ouvre cette porte de fournil et offre moi cette vulve en vitrine qu’on partage une couronne et du souvenir comme une galette frangipane et sa fève.
Oui.
2 jours et 2 nuits de cet Ă©tĂ©, sans presque parler, nous n’avions rien Ă faire ensemble Ă part se sauter, s’Ă©changer, se boire et se toucher.
Nous jouissions l’un sur l’autre, pour le reste elle rĂ©pondait : “je ne sais pas”.
Notre complicitĂ© est morte au premier baiser. Alors perdus, c’est tout ce qu’il nous restait, du jaune d’oeuf et du lait.
Aujourd’hui, j’ai jouĂ© dans mon bain, longuement. Il n’y avait que cette bougie, sa flamme et de la mousse, pour commencer. Et puis France-info mais ça ne fait pas très bain, c’est un peu comme se faire sucer devant le journal tĂ©lĂ©visĂ©, on apprĂ©cie moins une bonne pipe devant une image de syndicalistes en grĂŞve ou de touristes en panne d’avion Ă l’aĂ©roport.
Alors j’ai changĂ©. J’ai mis de l’ambiance bain, parce que tout se rĂ©sume Ă cela, Ă ce que l’on peut crĂ©er d’une situation, d’un corps dans l’eau, et d’une bite qui joue avec de la mousse Palmolive Sensual.
“Vincianne38” d’Aol Ă©tait en bas de chez moi, il y a 6 mois, jour pour jour… A notre rendez vous, elle est arrivĂ©e avec une robe chinoise fendue et moulante. Très joli visage au grain de peau dĂ©licat. Ce fut ma seconde pensĂ©e. La première Ă©tant plutĂ´t dubitative, comment fait elle pour se prĂ©senter comme “un peu ronde“.., est ce que cette robe Ă©tait fendue quand elle l’a mise pour la première fois.
Je la connaissais depuis 2h, conversation internet avec une voisine de quartier, un hasard comme un autre, un hasard qui dĂ©jĂ enfourne dans une large bouche un Ă©norme rouleau de printemps, dĂ©goulinant lĂ©gèrement mais lapĂ© au coin des lèvres, rien ne sort de cette fille qui mange de tout, tout le temps, et en grandes quantitĂ©s. Pire encore, elle l’assume. Joie des plaques d’athĂ©romes et de l’hypertrophie myocardique, une qui nourrit sa vie Ă coup de Nutella entartinĂ©, qui fait des bombes du plongeoir du 3 mètres et qui trĂ©mousse des morceaux de chair sur le podium de la discothèque; la cellule adipeuse plastronne et revendique. Elle a un rire d’enfant mais se maquille comme une pute. Ses seins cognent la table Ă chaque enfeuillage de nourriture, le restaurant chinois devait aller avec sa robe, devant nous des serveuse fluettes, devant moi ça bouffe de la mĂ©taphore et s’en fout plein les doigts, ça parle peu mais ça boit du coca light dont je saisis parfois les relents oesophagiens, ses seins sont des mamelles absurdes, lĂ , un courant d’air, une transpiration, ça suinte aussi, je veux fermer les yeux alors je bois. Maintenant, le dessert vient comme elle se plaint, “Ă chaque fois que je rencontre un mec, il a qu’une envie c’est de me sauter, je comprends pas”.
Le prĂ©cipice est Ă mes pieds, est ce que je peux ĂŞtre l’un d’entre eux si je bois encore, si je finis cette bouteille qu’elle ne touche pas, est ce que je serais devenu envie, est ce que je le serais encore… Comment se rĂ©veiller quand je finirais lĂ , engagĂ© dans ma propre perte dressĂ©e dans le noir cherchant l’accueil.
“Il parait que je suce bien”.
Elle vient chez moi. Et c’est le drame. Elle s’assoit Ă mes cĂ´tĂ©s, sur mon vieux petit canapĂ©…, mais ça ne passe pas. Elle, ne passe pas, mais me comprime comme un piston contre l’accoudoir, je contiens un fou rire. Elle ne dit rien. S’assoit en face. Elle assumera encore. Le temps se tait. Je suis dans mon bain, j’Ă©coute France-Info, je joue en y repensant, en la raccompagnant je lui prĂŞte un moule Ă gâteau, irrĂ©aliste, toujours chez elle aujourd’hui quand ma bite sort de sa mousse comme un pĂ©riscope intemporel, en soldat parfois Ă©pargnĂ©.
J’aimerais parfois me dire qu’il y en a eu une ou deux, peut ĂŞtre trois ou quatre, et me souvenir vraiment, intensĂ©ment. Et puis raconter, du dĂ©but Ă la fin, ces deux, peut ĂŞtre trois ou quatre histoires, avec leur fil et leur trame, leur flèche et leur sens. BanalitĂ©s plaisir. Mais ce n’Ă©tait pas comme ça. Une autre chance. J’ai tout cassĂ©, tout dĂ©chirĂ©, comme un caprice instable, excusons moi. Et ces prĂ©noms comme autant de canettes Ă renverser, Ă culbuter pour des peluches qui perdent leurs yeux, pour des montres mĂŞme pas Ă quartz, de la pomme d’amour j’en veux pas parce qu’elles se ressemblent toutes avec leur manche Ă moi, mais faire encore un tour ça oui, et youpi. Quelque chose d’Ă©norme grandit devant ma fenĂŞtre. Et le jour baisse.
Ma mĂ©moire est un diaporama du freemovieportal.com, plein de thumbnails frĂ©nĂ©tiques, je suis un stroboscope qui ventile des chattes, une orange mĂ©canique les yeux fermĂ©s. Wagner dans l’autoradio de Oui-Oui, telle est ma vie. Les images se mĂŞlent et fusionnent dans un nĂ©ant totalitaire, rien ne reste sauf un samedi parfois jeudi, une sodomie frelatĂ©e, des nationalitĂ©s aux pseudonymes, ou des coins de bars.
Piting !.
L’indiscible serait-il pire que l’inĂ©narrable. Le temps confonds les histoires. Je croise dans une Ă©picerie une fille baisĂ©e un soir, un paquet de Curly en main, elle veut que je sache qu’elle ne me sourit pas. Qui est ce ? Je suis en voyage, un jumeau de Langevin, qui part ou qui reste, ma vitesse est un petit c Ă la masse au carrĂ©. Le tout s’effondre sur lui mĂŞme. Elle s’appelle Sandrine et mange des Curly, le reste est dans un puit.
Entouré de plantes vertes et de rhum, de gadgets et de favoris, les soirées passent et fondent, doucement. Je suis entouré de pigeons paraplégiques.
Il a fallu le faire, parce qu’il faut se tromper, parce que la vie n’est pas une ligne si droite, qu’elle avance Ă tâtons, par erreur, par mutation, parce ma bite est darwinienne et cherche en aveugle un sourire un regard.
Alors Vendredi soir, j’en dĂ©couvre plus, et je tombe un peu plus bas encore.
Splendide.
Mlle X est une occasionnelle. Je suis un pigeon malade grippĂ© au H5n1, sans attaches ni ports, mais surtout sans conscience. Pourquoi ce bar Ă hĂ´tesses, je suis dĂ©sormais seul, je suis entrĂ© pour regarder la fille dans les yeux, chercher son message et ses heurts, entourĂ© comme un roi d’Ă©gouts vomissant cotillons et paillettes, mini shorts et Marivaux. Autour de moi, douze filles, quelques portugais au comptoir, un fond sonore mielleux, une consommation Ă 20€, et des coupettes partout, des coupettes comme des trous, Ă 40€, je poinçonne comme je titube, je divague et pleure comme je ris, maman, si tu voyais ma vie…
Conversation engagée, je suis une balançoire en été, seul et ivre au vent. Argent pour sexe, je hais ce pouvoir causal, alors partons. Et puis Non.
Mlle X arrive, petite brune parmi tant d’autres, en simple jean’s et haut rouge, prĂŞte Ă rentrer chez elle les seins gavĂ©s de billets. Bonne soirĂ©e.
Et puis parlons. Les minutes comptent et coĂ»tent, son charme est certain, son oeil est ange, des mots raisonnent et j’oublie trop vite. Professionnalisme… Ethylisme… Elle reste puisque je suis lĂ . Pars te changer. Reviens. LĂ , mĂ©tamorphosĂ©e en ma fin, une robe or courte et moulante, elle est parfaite pour me suicider. Son corps appelle au crime, Ă l’erreur fatale, je suis une clĂ© USB qui la prend des yeux pour une mĂ©moire si vive que mes gestes bĂ©gaient sans moi, je sors ma Visa, on m’enlève 200€. Nous descendons dans l’antre ou les hĂ´tesses remontent le temps, dans un petit salon glauque ou je deviens client, et elle simplement pute. Et puis le mal se fait. Moi je ne la veux pas comme les autres, particulier.
Parlons. Elle se méfie et lâche peu à peu prise Pretty woman de 24 piges, 200 euros pour 35 minutes chronométrées, nous en sommes à 400, 600, 800.
Microsociologie. Ou va-ton. Troublée. Rien que des mots et leur pouvoir, paroles, paroles. Et puis pourquoi ne pas se revoir si tu en as envie aussi, Mlle X, je fais rougir une pute.
La rencontre est un virus psychologique, le mal est d’ĂŞtre seul.
Derrière ses yeux maquillés et sa culotte exhibée, une petite fille sommeille, encore là dans sa chambre à accorder ses Barbies.
Mlle X m’offre son numĂ©ro et y ajoute sa langue, profonde et douce, avec gène donne ses mains, tremblante, m’accompagne et m’embrasse encore.
Qui y croit ? Elle dĂ©croche le lendemain, souriante. Rendez vous… Demain… VoilĂ qu’elle arrive, ah non, un peu trop dans ma tĂŞte, un peu trop dans mes verres, les minutes en atteignent quarante de trop. Une blonde entre, les cheveux bouclĂ©s, je la connais de temps anciens, baisĂ© dans des dĂ©buts, sans conviction autre que celle d’apprendre. Elle s’accroche Ă moi en attendant son rendez-vous, me parle, raconte, mariage, divorce, travail, enfant, appartement, oublie volontairement les Ă©jaculations faciales. Elle a vieilli, forci, ses rires l’ont marquĂ© lĂ , au coin des joues, au coin des yeux, ses seins ont Ă©tĂ© tĂ©tĂ©s par quelqu’un qui disait “suce moi” et un autre qui l’appellera bientĂ´t “maman“.
Alors ils sont tombĂ©s comme elle dans une vie qui ne court plus. Sur le marchĂ© sexuel, elle ne vaut dĂ©jĂ plus grand chose, et dans ce bar foulĂ© par de jeunes pĂ©tasses fermes, galbĂ©es, courbĂ©es et affutĂ©es, sa prĂ©sence me dĂ©range, je veux vivre mon humiliation tout seul comme un grand, regarder ma montre encore et encore, appeler des gens pour me donner consistance et attendre simplement qu’elle ne vienne pas, cette jolie pute. Le temps me lasse, je sors. Evidemment je vais appeler, Ă©videmment personne ne dĂ©crochera. Le champagne est bon ce soir, merci.
DĂ©sormais je veux des mĂ©lis-mĂ©los. Poudre blanche dedans et dehors, surfeurs d’argent sponsorisĂ©s et petites groupies anorexiques; c’est mignon mais fragile Ă presque sentir les os du bassin craquer Ă chaque coup de reins. On fera avec.
Le tout est en huit-clos, plusieurs Ă©tages d’orgies hypothĂ©tiques, dormons tous ensemble et chauffons l’air pur avec un jambon dans la cheminĂ©e et un verger dans le salon, les chattes sentiront bon l’huile essentielle avant de quitter leurs chaumières et d’entrer en chalet rasĂ©es de près. Le plus pratique, c’est le cĂ´tĂ© sempiternel de la fumette mal contrĂ´lĂ©e. Attendre patiemment, voilĂ la meilleure solution d’autant que la fille de soirĂ©e fume finalement peu, ou comme ça, pour faire plaisir, valeur ancestrale.
En gĂ©nĂ©ral, la jeune moderne lit Cosmo, flirte chez H&M et Mango, parce “qu’en cherchant bien y a des trucs sympas“, porte des jean’s dans la botte, boit des cafĂ©s près de Zaza et SĂ©phora, papote devant Sex & the city et Desperate Housewives et n’a pas ratĂ© hier, la nouvelle Star.
Si elle n’a pas d’Ă©pis et les cheveux suffisamment nombreux, elle a une frange asymĂ©trique depuis quelques mois, et si elle est embourgeoisĂ©e ou de classe prolĂ©tarienne, une french manucure, douteuse dans le dernier cas.
Si tu te reconnais, j’ai dĂ©jĂ envie de te baiser.
Evidemment, dans la masse, il y en a toujours une d’un peu plus nĂ©vrosĂ©e, Ă l’enfance moins Ă©vidente, un peu bohème, plus naturelle, moins entretenue voire brouissailleuse, qui s’endort sous une photo de Brel, Brassens et FerrĂ© et qui fume ses roulĂ©es toute la soirĂ©e… Elle mangera un peu moins parce que la vĂ©gĂ©tarienne revendique autant les cinq fruits et lĂ©gumes que l’envie de philosopher.
Elle a le rire discret, Ă©touffĂ© comme elle dans une personnalitĂ© feutrĂ©e… Elle se fera aussi baiser, fatalement, comme pour excuser sa prĂ©sence. Il n’y a rien de pire que l’intolĂ©rance.
Delphine est venue hier parce que Delphine s’embĂŞte, alors elle fait quelques kilomètres pour dĂ®ner avec moi et essayer sa nouvelle robe dĂ©griffĂ©e du moment, un soir pour un semblant de vie sociale, parce que les temps sont durs quand une femme touche les 32 ans. Toutes les tĂŞtes se tournent vers la baie vitrĂ©e du restaurant. C’est d’abord pour la surprise d’une vulgaritĂ© assumĂ©e ; Delphine est dans la rue, il est 21h. Trop tĂ´t pour penser Ă une pute, effectivement, elle entre. La masse grouillante et le temps se taisent un instant, sa robe est plus courte que le dossier des chaises, alors sa chatte frĂ´le un foie gras fourrĂ© aux figues ici, une escalope d’espadon lĂ , elle nous rejoint avec un bonsoir nasillard… Le marchĂ© est ainsi, mĂ» par nos apparences, par notre reprĂ©sentation… Et le corps est son âme, demandeur et offreur, sans connaĂ®tre de cycle Ă©conomique autre que celui d’une courbe dĂ©clinante, du dĂ©but vers la fin… Et l’individu se perd entre ce qu’il sent et ce qu’il attend, ce qu’il voit et ce qu’il pense.
Alouette, le temps te plume, il faut combattre les autres qui poussent, qui grandissent dans le regard de ceux qui t’oublient, parce que l’homme aime jeunesse et fermetĂ©, et si l’expĂ©rience attire encore quelques novices, le regard malicieux meurt quand apparaissent les ridules des premiers Ă©checs passĂ©s. Tu as osĂ©, Alouette, sur ces plages dorer tes courbes, exhiber tes seins nus tendus vers le ciel, tu as ri des annĂ©es, lĂ , plĂ©biscitĂ©e par le peuple, dĂ©sinvolte et moqueuse, tombe le haut encore, vite, le temps presse. SurenchĂ©rir, toujours, aller plus loin, encore, jusqu’Ă bruler ces ailes, exploiter son propre potentiel et l’ambition de le croire encore ami. Parce que depuis toujours, le salaire de l’Ă©go se paye dans un regard, monnaie Ă©trange qui se dĂ©prĂ©cie dès lors qu’on l’Ă©value. Etre visible c’est vivre encore, un doigt levĂ© Ă l’indiffĂ©rence, souffrance d’ĂŞtre belle qu’aucune petite obèse ne comprendra jamais, le temps lui prend la main quand il claque la première.
Alors Delphine ose ou d’autres renoncent, et mène sans doute son dernier round. Se sentir attirante ne suffit pas, il faut le constat qui drague, qui flatte, qui insulte et qui roucoule. Jalousie fĂ©minine, comparaison permanente. Entre elle, la femme est une traĂ®nĂ©e qui dĂ©visage et assassine, dĂ©pèce par morceaux la chaire des autres. Rassurer et s’assurer un bon salaire d’Ă©go, une rentrĂ©e de regard consĂ©quente. Trop de pommes empoisonnĂ©es prĂŞtes Ă ĂŞtre croquĂ©es.
“Je regarde ce que je perds, et ne vois point ce qu’il me reste”.
Molière
A cĂ´tĂ© de Delphine et ses bottes aiguilles brillantes, une serveuse de 23 ans en jean’s taille basse me sert un tartare de saumon, les mains fraiches, la peau lisse, le regard Ă©clatant de naĂŻvetĂ©, je rentre mon ventre… il est bientĂ´t trop tard pour moi aussi, pour le reste il y a Eurocard Mastercard.
Ma boulangère a changé de boulangerie sans prévenir, sans me prévenir.
Surprise de la voir lĂ , Ă l’autre bout de la ville, derrière d’autres croissants ou les brioches sont penchĂ©es près des St Genix; une femme mĂ©nopausĂ©e depuis peu l’escorte de près : la voilĂ accompagnĂ©e d’un “et avec ça ?” obsessionnel qui remplace son “il vous fallait autre chose ?” obsĂ©dant. Suprise aussi de me voir, elle pense maintenant que je l’ai suivie. Tant pis.
Hasard d’une petite faim, et puis elle, finalement jolie. Etrange sensation. Petit idĂ©al extĂ©rieur, pourquoi ne parlais tu pas, pourquoi n’avoir rien Ă dire. Si on allait boire un verre, ça me fait plaisir de te revoir, intĂ©ressant ce hasard, je t’appelle ce soir.
J’ai tout gardĂ© parce que rien ne change, ni elle, ni moi, se rencontrer deux fois ne donne qu’une fin.
9h30.
Dans cette petite boulangerie de quartier traine un rĂ©sidu de sexe. Entre deux personnes qui s’interpĂ©nètrent un temps, il se crĂ©e Ă jamais un rayonnement fossile, sorte de bruit de fond de possession rĂ©ciproque, de radiation chaude maintenue par les Ă©changes de fluides passĂ©s. Je baise des atomes de façon discontinue, et des particules Ă©tranges dans une expansion sans limites. L’Ă©nergie d’une particule est reliĂ©e Ă sa frĂ©quence. Pourquoi arrĂŞter.
Suite sur le prochain panneau…


















