1968 Bentley “Super-T”, du ridicule au sublime, il n’y a qu’un pas !
Si du ridicule au sublime il n’y a qu’un pas, de Rolls Ă Bentley, nana qu’un pas de plus… J’en ai personnalisĂ© une, l’histoire est frelatĂ©e ci-dessous… A sa vision les gens prenaient peur, les hommes d’abord, comme toujours quand ça panique, la navrance bucolique et pas buco-anale, la fuite Ă©perdue (un double sens sexuel)…. GĂ©nĂ©ralement arrivĂ© Ă ce point les hommes abandonnent leurs tĂ©lĂ©s, leurs machines Ă laver, leurs maĂ®tresses et mĂŞme leurs habitudes. Le gouvernement a mĂŞme Ă©dictĂ© des mesures spĂ©cifiques me concernant… C’est vous dire ! Mais bon, l’humain est ainsi fait… Savez-vous qui m’a tĂ©lĂ©phonĂ©, Ă son sujet ? Devinez.. Approchez votre oreille dĂ©gueulasse du machin, que je vous le dise en confidence… Lui… Parfaitement, lui-mĂŞme… J’ai reconnu tout de suite sa voix, sans le moindre prĂ©ambule, tout de go, sa chère noble voix, sa merveilleuse voix… Il m’a parlĂ©, Ă moi qui vous Ă©crit… StupĂ©faction ! J’ai encore ses paroles dans ma tĂŞte… Elles y demeureront gravĂ©es comme dans le granit… Il a pris cette peine, LUI, personnellement… Et je me demande s’il n’a pas composĂ© lui-mĂŞme le numĂ©ro, de son propre index magistral. Etes-vous prĂŞt Ă Ă©couter les phrases qu’Il m’a prononcĂ©es Ă bout portant dans ma trompe d’Eustache droite ? Chuuuut ! Silence autour ! Il m’a dit, de ses fabuleuses cordes vocales, dit et dit encore que ça me tourne en tĂŞte : “Mon cher (virgule) votre Bentley est sublime (virgule) subliminale (virgule) fabuleusement extraordinaire et je l’achète (virgule) votre prix sera assurĂ©ment mon mien (virgule) illimitĂ© (virgule) rien n’est assez pour cette Ĺ“uvre d’art (trois petits points Ă la ligne)… Textuel ! LUI, avec son calme habituel, pas une inflexion qui dĂ©passait l’autre, mais une force profonde, une gravitĂ© royale… Oupssss ! Pour un peu je dĂ©voilais l’inconnu…
Je me suisse signĂ©, en l’écoutant, en double exemplaire. Dieu existait-il vraiment ? Alors un pleur m’est venu, j’ai laissĂ© couler, c’Ă©tait une larme…, Rouget de Lisle aurait pu verser la mĂŞme… Et je lui ai vendu, livrĂ©e empaquetĂ©e… VoilĂ , comme ça vous savez tout…, Je pneu dĂ©buter ma chronique… Lisez… En nos temps changeants, l’automobile cesse peu Ă peu d’exalter le progrès, la libertĂ©, le plaisir. A raison sans doute. Sauf masochisme refoulĂ©, je n’Ă©prouve pour ma part quasi plus aucune jouissance particulière Ă me saigner pour une boĂ®te de mĂ©tal et de plastique qui m’attaque le porte-monnaie jusque dans mon sommeil et dont je ne puis goĂ»ter aux performances sans rĂ©veiller ma haine pathologique du kĂ©pi. Oui, l’automobile telle que je l’ai rĂŞvĂ©e au siècle dernier sur les pages des magazines, appartient sans doute au passĂ©. Au rythme oĂą va le moralisme Ă©colo-hygiĂ©niste, il se pourrait bien qu’afficher la silhouette suggestive d’une phallique limousine de si grande classe, et d’un luxe ostentatoire, soit aussi rĂ©prĂ©hensible qu’exhiber un bout de sein devant l’AmĂ©rique puritaine. Et le temps est venu oĂą l’on met Ă l’index le moteur Ă explosion tel un licencieux pousse-au-crime. Dans peu de temps la police des mĹ“urs poursuivra les internautes Ă©coutant des enregistrements pirates de multicylindres (8, 12 et 16) hurlant Ă plus de 6.000 tours. TolĂ©rance zĂ©ro pour incitation au gaspillage d’Ă©nergie non renouvelable ! Dans un moment de pressentiment, comme une ultime envie, en 1995, j’ai ressenti l’irrĂ©sistible attrait de cette marque fantasque au destin chaotique qu’est Bentley (ne laissant jamais de marbre, pour cause de socle), qui excitait mes nuits blanches tel un graal extraordinairement obsĂ©dant… Envoutant… Une sublimation hectique !
Le ver Ă©tait dans le fruit et le virus de la personnalisation libĂ©rĂ© de ses scellĂ©s. GĂ©niale autant qu’affligeante, une Bentley T spectrale, au capot dĂ©mesurĂ©ment allongĂ© et aux flancs muni de roues de secours ne cessait d’hanter mes nuits. Avant la fin du monde, que j’estimais atomique en 2024 sauf erreur ou omission sans reconnaissance prĂ©judiciable ni aveu quelconque, on y arrive… il me fallait en crĂ©er une. C’Ă©tait assez urgent. Mais pourquoi une Bentley T ?… Diantre… Je ne puis vous laisser sans rĂ©ponse… Je vous explique… Si nos paradigmes esthĂ©tiques se nourrissent inconsciemment de notre libido, quoi de plus dĂ©finitivement beau qu’une courbe ? Que celui qui ne s’est point retournĂ© sur la dĂ©marche ondulante d’une beautĂ© bottĂ©e oscillant du fessier me jette la première pierre ! Il fut pourtant une Ă©poque oĂą arĂŞtes vives et lignes tendues exerçaient un puissant attrait. Il Ă©tait tellement puissant que s’en Ă©tait au point d’inspirer aux designers un futurisme d’Ă©querre… Or, il se fait qu’Ă la charnière des annĂ©es ’60 et ’70, des hommes comme Marcello Gandini ou Giorgetto Giugiaro ont rĂ©inventĂ© ni plus ni moins que la beautĂ© automobile en Ă©querre… Une beautĂ© cunĂ©iforme dont la brutalitĂ© formelle exacerbait puissance et vitesse sur fond de miracle Ă©conomique et de foi positiviste. Souvenez-vous donc, nostalgiques d’aujourd’hui, le futur c’Ă©tait hier… Bon, ok, une Bentley T n’a jamais suivi cette dĂ©marche… Il n’empĂŞche qu’elle symbolisait le luxe ultime, plus snob encore que les Rolls Royce.. Et si la haine des riches venait de la frustration des moins bien lotis de ne pas se comporter eux-mĂŞmes comme des nantis ? VoilĂ qui expliquerait le succès des jeux d’argent, le prèt- Ă -porter de luxe, les fausses Rolex et autres variations chic de l’auto jetable.
“Le snobisme est une bulle de champagne qui hĂ©site entre le rot et le pet”, disait Gainsbourg en acteur lucide de cette grotesque comĂ©die qu’est la jet-set. Il n’avait pas tort ! Regardez-les ces pĂ©teurs dans la soie, s’afficher ostensiblement au festival de Cannes, les cheveux gominĂ©s, le costume tirĂ© Ă quatre Ă©pingle et la mamelle gainĂ©e, tout cela pour aller mater des grosses cochonnes en train de forniquer bruyamment dans des films dits d’art et d’essai.
Ceci fait, ils se complaisent Ă longueur de garden-party entre futiles minauderies et flagorneries surfaites autour d’un verre de Sauternes fruit du labeur de cul-terreux dont les châteaux Yquem et autres La Tour Blanche seraient bien en peine d’exhiber, de peur d’offusquer leur aimable clientèle.
En effet, les pauvres, ces gens vulgaires et sans raffinement n’ont pas la dĂ©cence de brandir l’alibi culturel lorsqu’ils parlent de merde. Ceci Ă©crit, tous les riches ne pensent pas qu’un ouvrier ressemble Ă une statistique, loin s’en faut. En effet, depuis quelques annĂ©es, le dernier chic dans les milieux distinguĂ©s consiste Ă s’afficher dans une voiture de luxe faite des mains d’un ouvrier, un vrai. De la masse laborieuse, les propriĂ©taires de Bentley n’avaient aperçu jusqu’alors que des photos, Ă longueur de brochures publicitaires, oĂą les mains expĂ©rimentĂ©es besognent amoureusement l’aluminium ou la loupe d’orme. Depuis, les firmes de luxe ont pris l’habitude de convier leurs clients Ă venir faire les touristes en leur “manufacture” afin d’admirer les braves gars Ĺ“uvrant Ă l’édification de leur gloire ambulante… Pffff ! : A quand une visite guidĂ©e des hautes sphères Ă l’intention des cols bleus ? Le succès rencontrĂ© par ces nouveaux zoos humains implique son cortège de prestations folkloriques, telles que le reportage photo ou le moteur dĂ©dicacĂ©.
Evidemment, on veille scrupuleusement Ă dĂ©punaiser les calendriers affichant des femmes nues en poses suggestives suscitant diverses masturbations aux toilettes et Ă cacher diverses revues porno de derrière les Ă©tablis… L’avantage de la section SecretsInterdits dans GatsbyOnline est qu’elle se cache dans les mĂ©andres des tĂ©lĂ©phones portables… des fois que l’on soupçonnerait les mains expĂ©rimentĂ©es d’ouvriers, besogner autre chose que l’aluminium et la loupe d’orme ! Bref… Je vais vous expliquer brièvement le pourquoi du comment… J’avais donc, en 1995, une Bentley T saloon… Simple… La Bentley me coĂ»tait l’Ă©quivalent actuel d’environ 10.000 euros, elle Ă©tait en très bon Ă©tat, mais j’ai directement su que je n’en tirerais ni grand plaisir, ni grand profit. J’ai eu, quelques nuits de cauchemars plus tard, une rĂ©vĂ©lation : CrĂ©er une Bentley nĂ©o-classique “stretch”... Grâce Ă une idĂ©e gĂ©niale provenant d’une nuit agitĂ©e, j’ai eu l’illumination que ma Bentley T allait comme sortir des Ă©curies d’un château royal pour entrer dans l’Ă©ternitĂ©. En abandonnant la forme classique de la Bentley T Saloon pour en faire une super saloon T, la voiture allait devenir une pièce unique… et qui dit “pièce unique” pense immĂ©diatement que ça engendre des fortunes… Mais avant de penser Ă ce que cela pouvait engranger en argent, or et diamants, combien ce projet allait-il coĂ»ter ? Deux jantes supplĂ©mentaires, un pneu coupĂ© en deux dans sa circonfĂ©rence, un jeu de baguettes chromĂ©es d’ailes avant et deux enjoliveurs de jantes… J’ai dĂ©couvert de quoi assurer mon bonheur chez un garagiste anglais spĂ©cialisĂ© en Rolls et Bentley accidentĂ©es. Tout cela pour Ă peine 1.000 euros pour le tout, transport compris. Restait l’allongement..
J’ai calculĂ© qu’en coupant les ailes avant Ă une quinzaine de centimètre devant les portes… et en coupant le châssis Ă l’aplomb de la jonction moteur/boĂ®te, puis en ajoutant une longueur de nouveau châssis Ă©quivalent Ă la circonfĂ©rence d’un pneu, l’allongement Ă©tait bien plus simple qu’il n’y paraissait ! La partie avant du châssis, toujours avec le moteur en place, de mĂŞme que la calandre, les radiateurs, la face avant, le pare-chocs et la totalitĂ© du circuit Ă©lectrique, n’ont pas Ă©tĂ© touchĂ©… J’avais donc une voiture exactement coupĂ©e en deux et les deux morceaux, entiers, sans aucun autre dĂ©montage, Ă©cartĂ©s de la dimension de la circonfĂ©rence d’un pneu… Une fois le châssis renforcĂ© et dĂ©doublĂ© sur le double de cette “coupe”, il a suffit d’allonger le capot de la mĂŞme longueur que cette circonfĂ©rence de pneu… Simplissime… A peine 2 jours de peine… Quant aux ailes, l’Ă©cart créé entre les deux bords de coupe Ă©tant de la dimension du pneu qui devenait la roue de secours latĂ©rale, c’est en tĂ´le que ces emplacements ont Ă©tĂ© bouchĂ©s… Les baguettes achetĂ©es en Angleterre, d’un bord d’aile complet, coĂŻncidaient très exactement avec la coupe… En trois jours, la Bentley avait Ă©tĂ© allongĂ©e… En une semaine tout Ă©tait terminĂ©…, Il n’a fallu que peindre toute la partie avant, les deux ailes, le capot et la face avant… Quant Ă l’arbre de transmission, il fut simplement allongĂ© et Ă©quilibrĂ©. CoĂ»t de ce travail, environ 10.000 euros peinture de l’avant comprise, plus les pièces (1.000 euros) et divers (1.000 euros) Ă ajouter au prix payĂ© de la voiture (10.000 euros), ainsi qu’un entretien complet avec rĂ©fection des freins et allongement de l’Ă©chappement (4.000 euros)… Total 26.000 euros… De fait, ma Bentley T a ainsi battu tous les records…
J’avais compris et pastichĂ© ce que font les grands gĂ©nies autoproclamĂ©s de l’automobile qui demandent des fortunes abyssales pour des rĂ©sultats moins spectaculaires que ma rĂ©alisation. Ils gagnent des fortunes sur du vent d’arnaque qu’ils soufflent, repris par des journaleux qui n’y connaissent strictement rien… Du sublime au ridicule il n’y avait qu’un pas… FraĂ®chement accueillie dans les premières semaines par les adorateurs intĂ©gristes des Rolls Royce Silver Shadow et des Bentley T… ORIGINALES…, le public stupĂ©fait a contribuĂ© Ă me faire entrer dans le nouveau siècle en dĂ©sacralisant l’image intouchable de la voiture d’usine. Les menaces dont j’ai fait l’objet ne m’ont pas davantage marquĂ© que des centaines de milliers d’heures de flonflons lèche-cul, ni que des centaines de kilomètres de traversĂ©e du dĂ©sert au volant de ma crĂ©ation. Mon aptitude Ă changer de rĂ©gime sans brusquer l’allure m’a valu des amitiĂ©s Ă briser vingt fois bien des carrières politiques exemplaires sous nos latitudes. J’ai Ă©tĂ© libĂ©rĂ© en martyr sous les acclamations et la liesse populaire. Ma conviction d’ĂŞtre sur la bonne voie (de garage) m’a conduit Ă la vendre, mais pas Ă n’importe quel prix. Si bassesse pĂ©cuniaire il y eut, elle ne se serait certes pas abaissĂ©e au point de se donner. Après tant de compromissions, comment garder mon Ă©toile en haute estime dans les hautes sphères et sa cote au beau fixe dans les gazettes ? La Bentley “Super-T” allongĂ©e n’a pas seulement rĂ©ussi Ă me rendre indispensable aux faucons et faux-culs de tous bords, de sorte que je n’ai pas plus craint les noms d’oiseaux qu’une vulgaire fiente très vite essuyĂ©e par les laquais. Main de fer dans un gant de velours et merde dans un bas de soie… Elle avait coĂ»tĂ© 26.000 elle a Ă©tĂ© vendue 100.000… Tout rond et cash !
Si l’essence de la politique rĂ©side dans l’art de conserver sa tĂŞte au grĂ© des changements de rĂ©gime, gageons que cette Bentley “Super-T” eut Ă©tĂ© la favorite d’un certain Talleyrand ! “Du ridicule imaginé au sublime obtenu, il n’y a qu’un pas”… VoilĂ … Et sans grands efforts, simplement rĂ©flexion et capacitĂ©s… Bentley a gagnĂ© au Mans cinq annĂ©es quasi consĂ©cutives et a passĂ© les soixante dix suivantes Ă s’en glorifier passivement sous obĂ©dience Rolls-Royce. Jusqu’au jour oĂą ma pachydermique extravagance, hommage littĂ©ral aux “camions les plus rapides du monde” raillĂ©s jadis par Bugatti, a fait son apparition… La passion a ses raisons que la raison ignore. Quand bien mĂŞme Sir Montaigu of Beaulieu ne possĂ©derait qu’un brave carrosse agile comme peut l’ĂŞtre un morse hors de l’eau, il m’a fallu faire fort, tant il est vrai que les penchants pour le confort des happy few ramollis dans l’aisance relevait du dĂ©lit d’impuissance. C’est ainsi que le plus cĂ©lèbre fabriquant de tank m’a vu recycler une de ses bases roulantes dĂ©jĂ trentenaire, en engin d’opĂ©rette pour les besoins de ma communication, et vu les moyens dĂ©risoires dont je disposais, Ă ne plus mettre un carrosse dehors, ce morceau de bravoure m’Ă©meut encore. Pensez-donc, un engin faramineux dont l’aspect abracadabrant bombarde l’esprit initiĂ© d’images dantesques quand l’illettrĂ© technique ne perçoit que barbares chinoiseries…, c’est du Wagner…, le souffle Ă©pique d’une loco Atlantic lancĂ©e Ă toute vapeur…, la force irrĂ©pressible d’un brise glace balayant tout sur passage… et bien sĂ»r, la charge onirique d’un fou devenu plus fou encore Ă son volant… Bentley “Super-T” comme Tyrannosaure-Rex plutĂ´t que Testa-Rossa, Tremendous-Torque plutĂ´t que Tourist-Trophy…
Avec son empattement aussi long qu’un autobus, ses trois tonnes de Heavy-mĂ©tal et sa bonne grosse gamelle Ă la courbe de couple qui n’aurait certes pas dĂ©parĂ© sur un autorail SNCF ou un groupe Ă©lectrogène, ma Bentley durant la pĂ©riode ou je me suis amusĂ© Ă son volant, inquiĂ©tait d’avantage les turbo-bahuts et autres panzer des sables que les “bella machinas” de la plus pure race. Mon cĂ©tacĂ© sorti de je ne sais quel “Jurassic-Parking” dĂ©fiait Ă ce point l’entendement que toute tentative de jugement objectif se brisait sur les fanons de son monumental fronton. Elle n’occupait pas l’espace, elle l’emplissait, l’envahissait, sinon l’écrasait en s’imposant aux regards plus qu’elle ne se proposait Ă eux. Ni raisonnablement belle ni honnĂŞtement laide, elle Ă©tait…, tout simplement. DĂ©finitivement Ă©trangère Ă tout critère d’évaluation contemporain, elle allait jusqu’à se jouer des repères temporels. Elle re-naquit en 1995 mais aurait pu tout aussi bien voir le jour en 1968, sa première naissance, tant elle s’inscrivait dans la parentĂ© de la vĂ©nĂ©rable Bentley T originale. Alors que s’éteignaient les derniers dinosaures, mon coup de force magnifique et dĂ©risoire comme un baroud d’honneur m’a fait rĂ©aliser l’incommensurable absurditĂ© d’un paquebot de sport. Ce dont j’avais alors bien tort de me plaindre, tant la vie est justement absurde. Altière, souveraine, elle croisait au delĂ de l’entendement, lĂ oĂą aucune comparaison trivialement automobile n’avait de sens. Hors du temps, elle inspirait le mĂŞme sentiment de puissance colossale qu’une icĂ´ne de la locomotion Ă vapeur. Hors-norme, elle avait la magnificence d’un transatlantique de la grande Ă©poque. On avait failli la croire Ă©ternelle, tant elle paraissait conforme Ă la lignĂ©e des “Silent Sport Cars” qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©e.
Tout cela, malgrĂ©, il est vrai, quelques concessions au “tuning-chic” sĂ©vissant chez les happy few. L’éloge s’avère ĂŞtre un remarquable dĂ©fouloir Ă zygomatiques ! A dire vrai, peu de modèles furent aussi fraĂ®chement accueillis que ce carrosse extrapolĂ© d’une citrouille. Si la presse automobile hexagonale broda un tissu niaiseux de clichĂ©s Ă©culĂ©s et autres suffisances fumeuses Ă©chappĂ©es de l’esprit dogmatique d’Henry Royce, on ne peut guère en dire autant des plumes anglo-saxonne dont le professionnalisme critique outrepassait toutes les rĂ©vĂ©rences verbeuses : “J’ai peine Ă expliquer comment l’usine de Crewe a pu dĂ©penser des millions de livres Sterling pour sortir une nouvelle voiture de mĂŞme taille, Ă©norme, de mĂŞme poids et utilisant le mĂŞme moteur assoiffĂ©, alors que la crĂ©ation de Patrice De Bruyne, rĂ©alisĂ©e en 8 jours, pour un budget ridicule, dĂ©passe de très loin ce que Bentley a fait par la suite”…Ă©crivait Car & Driver en janvier 2001. “Une telle rĂ©alisation burlesque oeuvre de Patrice De Bruyne, devrait devenir franchement antisociale ou mĂŞme illĂ©gale dans les annĂ©es Ă venir”…, ajouta Motor-Trend la mĂŞme annĂ©e. Outre l’effarant bilan Ă©nergĂ©tique d’une bonne grosse gamelle de six litres conçue en des temps plus prospères Ă destination du premier gaspilleur mondial de pĂ©trole, on peut comprendre l’amertume des spĂ©cialistes quant Ă l’absence totale d’innovation de ce qui n’était qu’un simple re-carrossage de la Bentley T, modèle emblĂ©matique lancĂ© 30 ans plus tĂ´t mais dont le pedigree technologique, quasi-rĂ©volutionnaire pour une Bentley en 1968, avait fini par pâtir du manque de moyen du petit manufacturier de Crewe face Ă l’Empire de Stuttgart. Toujours est-il que cette Bentley avait fait de moi une Star aux USA, ca qui a contribuĂ© Ă la crĂ©ation de mes mag’s TopWheels.
Quant Ă l’esthĂ©tique de ma crĂ©ation, elle Ă©tait certes moins empâtĂ©e que celle de la Bentley originale, dont la raideur monacale de ses lignes trop rĂ©barbatives pour ne pas dire dĂ©jĂ vues sous des labels moins glorieux, n’incitait guère au lyrisme… Alors qu’une baraka de leader palestinien avait prĂ©servĂ© la maison britannique des crises pĂ©trolières durant les seventies, la division par deux de la production annuelle constatĂ©e en l’espace de deux exercices, convainquit les plus flegmatiques qu’il ne suffisait plus d’attendre patiemment que le candidat acquĂ©reur veuille bien se donner la peine de vouloir dĂ©bloquer ses comptes en Suisse…. Mes propos ne manqueront pas d’étonner ceux qui relèguent d’ordinaire les Bentley aux milieux des verrues sixties, regrettables erreurs de parcours dans l’itinĂ©raire de grands noms, mais allez savoir si, sans ces citrouilles gavĂ©es aux hormones, nous pourrions encore parler aujourd’hui de Bentley au prĂ©sent ! PrĂ©sentĂ©e au Salon de Paris de 1965, la Bentley T1 Saloon fut suivie en mars 1966, au Salon de Genève, d’un coupĂ© succĂ©dant au coupĂ© S3, tandis qu’un cabriolet est apparu au Salon de Francfort de 1967. L’annĂ©e suivante, Pininfarina rĂ©alisera un coupĂ© Ă©voquant quelque peu l’esprit de la première Continental. Ce prototype sans lendemain inspirera cependant le dessin de la Camargue.
Avec 558 exemplaires seulement, la faible production de la Bentley T1 traduit une Ă©volution significative de la clientèle par rapport aux pĂ©riodes antĂ©rieures, qui virent les volumes s’Ă©quilibrer entre les deux marques. Les nouveaux acheteurs se sont rĂ©vĂ©lĂ©s toutefois plus sensibles au caractère dĂ©monstratif de la Rolls-Royce, symbole Ă©clatant, sinon voyant, d’une certaine rĂ©ussite.
.En 1977, fut lancĂ©e la Bentley T2 dont la version longue, rĂ©alisĂ©e uniquement sur commande, sera fabriquĂ©e Ă dix exemplaires seulement. Plus qu’une Ă©tape, la Rolls Royce Silver Shadow et la Bentley T reprĂ©sentaient pour le constructeur de Crewe, une rupture historique, sous la forme d’une vĂ©ritable aggiornamento technique. Un aggiornamento qui s’apparentait fort Ă une rĂ©volution culturelle. Abandonnant le châssis sĂ©parĂ©, Shadow et T se prĂ©sentaient comme les premières monocoques autoportantes de la marque. Elles Ă©taient aussi les premières filles de Crewe Ă©quipĂ©es de quatre roues indĂ©pendantes. ConstituĂ©e de bras longitudinaux, la nouvelle suspension arrière des deux voitures soeurs, s’est vue Ă©paulĂ©e par un correcteur d’assiette automatique et hydraulique utilisant le brevet CitroĂ«n (d’abord montĂ© sur les quatre roues, il sera rĂ©servĂ© aux roues arrière Ă partir de 1969).
Toutefois, ce qui pouvait ĂŞtre pris pour une rĂ©volution Ă Crewe ne reprĂ©sentait en rĂ©alitĂ© qu’une tardive actualisation. Car ce recours Ă des solutions techniques modernes avait Ă©tĂ© depuis longtemps consacrĂ© par tous les constructeurs (Ă commencer par la structure monocoque adoptĂ©e par Vauxhall dès 1937 et par Ford Dagenham en 1950). Crewe apparaĂ®t bien ainsi comme une citadelle du conservatisme. Les Rolls Royce Silver Shadow et Bentley T furent Ă©quipĂ©es de freins Ă disques sur les quatre roues (deux Ă©triers Ă l’avant). Avec un triple circuit assistĂ©, leur système de freinage s’imposa d’ailleurs comme un modèle de sophistication. Le premier circuit assurait l’essentiel de l’efficacitĂ© de l’ensemble en commandant un des deux Ă©triers de chaque disque avant et ceux de l’arrière : le second agissait sur le second Ă©trier des disques avant et le troisième intervenait sur les Ă©triers arrière.
Avec leur silhouette commune abaissĂ©e et anguleuse, la Rolls Royce Silver Shadow et la Bentley T consacraient Ă©galement le passage de Crewe Ă la ligne ponton, soit vingt ans après les pionniers du genre. La ceinture de caisse rectiligne, qui abandonnait les ailes semi-intĂ©grĂ©es des modèles prĂ©cĂ©dents, symbolisait un design modernisĂ© et europĂ©anisĂ© (signe des temps) qui cĂ©dait Ă la mode ambiante. Certes, d’aucuns ont Ă©tĂ© fondĂ©s Ă dĂ©plorer cette banalisation du style maison : perdant sa spĂ©cificitĂ© britannique, la Silver Shadow et la T se rĂ©vĂ©lant moins reprĂ©sentatives d’une certaine culture. II n’empĂŞche, leur forme sobre et très homogène Ă©tait emprunte d’une noble Ă©lĂ©gance. Le profil rĂ©vĂ©lait un remarquable Ă©quilibre des proportions, avec un pavillon bien centrĂ© entre une poupe symĂ©trique et le long et majestueux capot. Du reste, Silver Shadow et T, reprĂ©sentaient les dernières Rolls-Royce et Bentley Ă la ligne vraiment sĂ©duisante. Prenant la relève Ă partir de 1980, la lignĂ©e des Silver Spirit apparaĂ®tra beaucoup trop massive. Leur gabarit rĂ©duit avec une longueur de 5,17 mètres et leur empattement de 3,03 mètres autorisait ainsi une meilleure maniabilitĂ© qu’illustrait leur rayon de braquage rĂ©duit Ă 4,70 mètres (contre 6 mètres pour la Silver Cloud et la Bentley S). Mais surtout, elles perdaient dix centimètres en largeur par rapport Ă leurs devancières. Moins spacieuses, elles prenaient ainsi les traits de “simples” berlines de luxe Ă quatre places, loin des anciens carrosses royaux… Cette rĂ©volution “dĂ©mocratique” paraĂ®t rĂ©vĂ©latrice de notre Ă©poque, car si la Silver Shadow (en majoritĂ©) continuera d’ĂŞtre conduite par un chauffeur de maĂ®tre, la Bentley T sera dĂ©sormais conduite non par un chauffeur mais par son propriĂ©taire devenu “owner driver”.
La cĂ©lèbre calandre Rolls Royce, qui n’avait pas fini de faire fantasmer tous les nouveaux riches que comptait le vaste monde, suivait une Ă©volution parallèle avec des proportions rĂ©duites et une forme presque carrĂ©e, tandis que la calandre Bentley devenait d’avantage le signe d’un “bon-goĂ»t” aristocratique, quoique “sportif”… Une version Ă châssis long a fait son apparition en 1969. L’empattement gagnait dix centimètres et l’habitacle Ă©tait dotĂ© d’une sĂ©paration chauffeur ainsi que de deux systèmes sĂ©parĂ©s de climatisation. DorĂ©navant, une Silver Shadow sur cinq sera livrĂ©e dans cette configuration, tandis qu’aucune Bentley ne sera livrĂ©e allongĂ©e. Le passage Ă la carrosserie autoportante a donnĂ© le coup de grâce aux carrossiers. Park Ward et H. J. Mulliner, repris par la firme de Crewe, avec pour consĂ©quence une complète standardisation de la production, Ă©galement nouvelle pour la marque. NĂ©anmoins, ces derniers rĂ©aliseront en 1966 un très Ă©lĂ©gant coupĂ©, en fait une berline deux portes dotĂ©e d’un lĂ©ger dĂ©crochement marquant la naissance des ailes arrière. Seul demeurait James Young, qui transformera en coupĂ© une cinquantaine de berlines fournies par l’usine.
Mais en 1969, il sera racheté par Barclay, agent Rolls-Royce à Londres. Les Silver Shadow et Bentley T étaient équipées du même moteur que leurs devancières, un V8 de 6,2 litres à course courte et vilebrequin monté sur cinq paliers, dont le bloc et les culasses étaient réalisés en aluminium.
On estimait sa puissance Ă la paisible valeur de 200 chevaux, le constructeur Ă©tant toujours fidèle Ă cette coutume singulière (et plutĂ´t ridicule) consistant Ă cacher la puissance et le couple de ses moteurs…
Les voitures destinĂ©es au marchĂ© intĂ©rieur Ă©taient Ă©quipĂ©es de la transmission General Motors Hydramatic Ă quatre vitesses construite sous licence par Rolls-Royce, tandis que celles construites pour l’exportation (donc Ă conduite Ă gauche) bĂ©nĂ©ficiaient de la nouvelle boĂ®te Hydramatic Turbo Ă trois vitesses importĂ©e des Etats-Unis (elle Ă©quipera tous les modèles Ă partir de 1968). ModifiĂ© en 1970, le moteur a vu sa cylindrĂ©e passer Ă 6750 cm3 après rĂ©alĂ©sage. Le vilebrequin fut Ă©galement redessinĂ© et la puissance gagna une vingtaine de chevaux au mĂŞme rĂ©gime de 4500 tr/mn. Pour faire face Ă la concurrence et en attendant la sortie d’un nouveau modèle (la Silver Spirit qui n’apparaĂ®tra qu’en 1980), la Silver Shadow et la T subirent un lifting symbolique en mars 1977. PrĂ©sentĂ©es au salon de Genève, la Silver Shadow II et la Bentley T II recevaient, sous une carrosserie quasiment identique, un certain nombre d’amĂ©liorations mĂ©caniques, dont une direction Ă crĂ©maillère (enfin !). La suspension avant Ă©tait Ă©galement perfectionnĂ©e pour assurer Ă la voiture une meilleure tenue en courbe tout en diminuant le roulis. Afin de rĂ©duire la consommation et la pollution, la carburation se vit dotĂ©e d’un contrĂ´le Ă©lectronique, tandis que les voitures exportĂ©es aux Etats-Unis et au Japon devaient s’accommoder d’un taux de compression rĂ©duit Ă 7,3. LĂ©gèrement revu, l’amĂ©nagement intĂ©rieur bĂ©nĂ©ficiait d’un tableau de bord redessinĂ© et d’un nouveau volant Ă deux branches.
Le niveau d’Ă©quipement franchit un nouveau pas avec le cruise control et, surtout, l’automatisation complète de la climatisation (et mĂŞme du chauffage de la lunette arrière). Tout cela Ă©tait comme une suite de miracles pour la plèbe…
La Silver Shadow II et la Bentley T II Ă©taient identifiables extĂ©rieurement Ă leurs pare-chocs plus Ă©pais et plus rĂ©sistants pour satisfaire aux nouvelles normes de sĂ©curitĂ©, ainsi qu’à la prĂ©sence d’un bouclier, qui rĂ©duisait encore la hauteur de leurs calandres respectives. On pouvait Ă©galement constater la disparition des prises d’air sous les phares, dotĂ©s dorĂ©navant d’un dispositif de lavage, tandis qu’une double sortie d’Ă©chappement apparaissait Ă l’arrière. La version longue de la Silver Shadow Il devient Ă cette occasion Silver Wraith II, recevant ainsi une appellation spĂ©cifique qui faisait rĂ©fĂ©rence Ă une ancienne et illustre sĂ©rie commercialisĂ©e Ă la carte. Avec sa sĂ©paration centrale et ses deux autoradios, cette variante pesait 150 kilos de plus que la Silver Shadow II. Elle sera produite Ă 2135 exemplaires malgrĂ© son prix astronomique de 334 000 francs français de l’Ă©poque. C’est sous la forme de la Silver Shadow II et de la Bentley T II, que prend fin, en 1980, la carrière de cette lignĂ©e après que 8.425 exemplaires communs ont Ă©tĂ© construits.
Nonobstant des dĂ©lais de livraison considĂ©rables, ces modèles auront confortĂ© leur position sur le marchĂ© amĂ©ricain et, signe des temps, ils connaĂ®tront une forte expansion vers le Moyen-Orient. AutoproclamĂ©e “Best car in the world”, la Rolls-Royce nous est depuis longtemps prĂ©sentĂ©e comme le symbole automobile de la perfection, de la noblesse et de la rĂ©ussite sociale. Il faut croire que l’arrogance paie, puisque la marque a Ă©tĂ© Ă©rigĂ©e au niveau d’un mythe. Mais celui-ci, et telle est sa nature, va bien au-delĂ de la rĂ©alitĂ©. Car la rĂ©putation des Rolls apparaĂ®t quelque peu surfaite, Ă l’image de leur fiabilitĂ© qui n’est pas au-dessus de tout soupçon dès lors que l’entretien prĂ©conisĂ© par le constructeur n’est pas scrupuleusement respectĂ©.
En outre, les ingĂ©nieurs de la firme, loin de se situer Ă l’avant-garde du progrès, semblaient alors affectionner les solutions mĂ©caniques les plus compliquĂ©es… A bien des Ă©gards, tant la Rolls Royce Silver Shadow que la Bentley T ne soutiennent pas la comparaison avec la Mercedes 600, leur rivale historique, qui affichait des performances et une sĂ©curitĂ© dynamique bien supĂ©rieures malgrĂ© un prix de vente moins Ă©levĂ© (ce qui est actuellement l’inverse). Certes, les lignes et le traitement de l’intĂ©rieur de la limousine allemande n’ont pas le charme des Rolls et Bentley…
On constatera tout de mĂŞme que les Rolls-Royce et Bentley sont Ă©quipĂ©es d’une transmission amĂ©ricaine et d’un climatiseur japonais ! Tout ceci Ă©crit; une Rolls Royce Silver Shadow I ou une Bentley T I pour moins de 10.000 euros est-ce possible ? Une telle dĂ©mocratisation de ces deux marques apparaĂ®t actuellement comme une petite rĂ©volution. Surtout si l’on compare ce prix Ă celui d’une berline contemporaine ! C’est ensuite que les choses se compliquent, avec un entretien extrĂŞmement coĂ»teux et une consommation largement Ă©gale Ă celle d’une amĂ©ricaine de la grande Ă©poque.
Pourrez-vous suivre ? Victimes de la lĂ©gende qui voudrait qu’une Rolls-Royce ou une Bentley ne tombent jamais en panne, certains candidats Ă l’achat d’une Silver Shadow ou d’une T affichent une grande crĂ©dulitĂ©. La connaissance prĂ©cise de la carrière de l’exemplaire convoitĂ© et de son pedigree (prĂ©cĂ©dents propriĂ©taires identifiĂ©s, factures d’achat et de garage attestant de son entretien rĂ©gulier) prend dans le cas d’une Silver Shadow ou d’une T, une importance particulière vu le coĂ»t des rĂ©parations.
Faute de pouvoir tout inspecter, notamment l’intĂ©rieur du moteur et les circuits hydrauliques, ces informations s’avèrent indispensables si l’on veut Ă©viter de douloureuses surprises. Dans cet esprit, il convient de prendre garde Ă certaines petites annonces proposant des exemplaires trop bon marchĂ©. Leur aspect parfois avenant cache en gĂ©nĂ©ral un Ă©tat pitoyable et un faible kilomĂ©trage annoncĂ© (infĂ©rieur Ă 100.000 km) ne correspond que rarement Ă la rĂ©alitĂ©. D’aucuns se sont encore fait piĂ©ger par une voiture affectĂ©e, par exemple, de fuites hydrauliques ou affublĂ©e d’un moteur bruyant (le comble) pour cause d’échappements bon marché… Tombant de haut, ces déçus ont contribuĂ© Ă affecter les Silver Shadow et les T, d’une mauvaise rĂ©putation qui a desservi la marque. D’une manière gĂ©nĂ©rale, il convient aussi de se montrer vigilant vis-Ă -vis des importations en provenance des Etats-Unis. Souvent bricolĂ©es (repeintes Ă l’Ă©conomie, ou pire, accidentĂ©es et mal redressĂ©es), ces Rolls amĂ©ricaines constituent parfois de redoutables pièges roulants. II faut Ă©galement savoir que leurs moteurs, qui se prĂ©sentent dans une configuration spĂ©cifique aux normes antipollution amĂ©ricaines, s’avèrent souvent difficiles Ă rĂ©gler. DotĂ©s d’un taux de compression moins Ă©levĂ© et d’Ă©chappements spĂ©ciaux, ils sont Ă©galement moins puissants. Ces particularitĂ©s provoquent aussi un surcoĂ»t des pièces dĂ©tachĂ©es et un appĂ©tit encore plus Ă©levĂ©. En version europĂ©enne, la consommation s’Ă©tablit Ă une moyenne de I’ordre de 25 litres en conduite coulĂ©e. Mais en ville, en sollicitant les ressources du moteur, le chiffre de 35 L est rapidement atteint…
La prĂ©sence d’une conduite Ă droite (RHD), entraĂ®ne, sur cette voiture moderne, une dĂ©cote supĂ©rieure Ă celle que l’on constate habituellement sur des modèles plus anciens comme la Silver Cloud. La SĂ©rie II apparaĂ®t lĂ©gèrement moins cotĂ©e. En dĂ©pit d’une offre toujours abondante, Ies cours moyens pratiquĂ©s sont restĂ©s Ă peu près stables ces derrières annĂ©es. De fait, Silver Shadow et Bentley T, ont, semble t-il, atteint une cote plancher Ă 10.000 euros (mais on en trouve parfois des abominables Ă 3.000 ÂŁ), qu’il paraĂ®t vain aujourd’hui d’espĂ©rer voir baisser dans des proportions sensibles.
Parmi les points Ă contrĂ´ler rĂ©gulièrement, il faut citer le complexe circuit hydraulique, dont un manque d’entretien peut rĂ©server de très graves ennuis.
La boĂ®te de vitesses, qui suinte volontiers, doit ĂŞtre contrĂ´lĂ©e tous les 100.000 kilomètres, ainsi que la direction dont l’Ă©tanchĂ©itĂ© n’est pas parfaite.
Quant aux moteurs des lève-vitres et des sièges, ils se rĂ©vèlent dĂ©faillants avec l’âge. La Silver Shadow et la Bentley T requièrent Ă©galement un style de conduite appropriĂ©, car ces nobles dames ne s’accommodent guère d’ĂŞtre menĂ©es trop longtemps tambour battant. Certains jeunes acquĂ©reurs en ont fait l’amère expĂ©rience, qui ont pu constater que ces modèles ne rĂ©sistent pas longtemps Ă un pilotage “pied dedans”… Une Silver Shadow ou une T, ne se conduisent pas comme une Mercedes Classe S et leur vitesse de croisière s’Ă©tablit aux alentours de 140 km/h. Mais un train de sĂ©nateur et un entretien rĂ©gulier les amèneront sans ennui grave Ă 200.000 kilomètres. Au-delĂ , le moteur commence Ă consommer de l’huile et une rĂ©fection s’impose gĂ©nĂ©ralement Ă 300.000 kilomètres.
Sauf Ă avoir souffert de conditions climatiques très humides ou de l’air marin, la structure des Silver Shadow et des T, est gĂ©nĂ©ralement Ă©pargnĂ©e par la corrosion, Ă l’exception toutefois des bas de caisse et des passages de roues. Pour la rĂ©fection complète du système de freinage, il faut compter environ 3.000 euros. Une rĂ©vision des circuits hydrauliques reprĂ©sente une dĂ©pense d’un montant comparable… Quant aux pièces, certains prix ont de quoi donner des insomnies ! Tel est le cas de la calandre, facturĂ©e près de 2.500 euros hors taxes, le quart de la cote moyenne en somme. II importe nĂ©anmoins de relativiser certaines de ces donnĂ©es. En cas d’accrochage lĂ©ger, il est en effet possible de refaire une calandre Ă moindre frais. De mĂŞme est-il rare de devoir procĂ©der Ă un Ă©change-standard complet du moteur ou de devoir s’offrir une paire de pare-chocs neufs Ă 4.000 euros le jeu…
Reste que les factures d’entretien d’une Silver Shadow ou d’une T, apparaissent gĂ©nĂ©ralement conformes au mythe de la marque et qu’en dĂ©pit de toutes les lĂ©gendes colportĂ©es par l’homme de la rue, une Rolls et une Bentley s’usent, se dĂ©règlent et tombent parfois en panne… En Ă©change d’un chèque de 10.000 euros, l’accès aux mythes Rolls et/ou Bentley peut paraĂ®tre bien tentant. Si un tel achat procède a priori d’un coup de foudre “raisonnable”, mieux vaut tout de mĂŞme y rĂ©flĂ©chir soigneusement et se poser au prĂ©alable cette question essentielle : Pour quoi faire ? Pour le seul plaisir de possĂ©der une Rolls ou une Bentley au moins une fois dans sa vie ? Si ce seul argument ne vous semble pas contournable, alors, laissez-vous tenter. Et après, seulement après, vous aurez tout le temps de faire vos comptes et de conclure, peut-ĂŞtre, que les gens dĂ©raisonnables ne sont dĂ©cidĂ©ment pas en voie de disparition…
2 commentaires
MaĂ®tre, Je tiens Ă vous adresser un compliment des plus sincères pour cet article. L’iconographie choisie Ă©voque avec Ă©lĂ©gance d’autres magnifiques articles que vous avez Ă©crits par le passĂ©, votre style narratif demeure toujours aussi plaisant, et chaque lecture de vos Ă©crits est vĂ©ritablement un moment apaisant. Merci pour cette contribution et pour votre talent Ă captiver vos lecteurs. Avec toute mon admiration,
Glup ! Mon âme de poète s’effrite en particules consternĂ©es sous le poids de votre avis que vous m’Ă©crivez…! Les attroupements sont incompatibles avec le recueillement qui m’est nĂ©cessaire. Les gens m’acclameraient, on me porterait en triomphe, on me ferait signer des contrats, ça lasse tout ça, ça lasse…La recrudescence tranquillement exponentielle de choses diverses que dĂ©versent par mĂ©gatonnes des firmes tentaculaires toujours plus avides d’argent, s’enrichissant sur le dos de familles indigentes ployant sous le poids de dettes sans fin, tandis qu’une bonne partie de la planète se meurt de faim, de soif et d’indiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale, agonisant de carences nutritives Ă cĂ´tĂ© desquelles le Grand Canyon est un anus de colibri, me poussent Ă reculons vers un questionnement interne qui me laisse sans voix… et dont je vous Ă©pargne les dĂ©tails. Brossons ces prĂ©occupations sidĂ©rantes de notre esprit avec le plumeau de l’indiffĂ©rence et passons aux choses sĂ©rieuses. Ma force d’Ă©criture ignore d’un pied hautain les allusions malveillantes d’esprits vulgaires et lourds que diffusent mes divers ennemis, que mes dons artistiques Ă©claboussent de mĂ©pris, il y a des gens qui ont le gĂ©nie de gâcher les meilleures soirĂ©es rien qu’en existant ! Je ne suis plus que l’ombre de mon reflet rien que d’y penser. Pour rĂ©ussir que faut-il ? Je prends un cas par hasard : moi. Eh bien, malgrĂ© tous mes dons naturels, j’eus Ă©tĂ©, sans instruction, moins brillant. Si,si ! De nombreuses connaissances pratiques m’eussent fait dĂ©faut… J’eus vĂ©cu dans l’obscurantisme, sans savoir que l’isoplexis est un arbuste Ă feuilles persistantes… que le symbole du boehmite est A12 O3 H2O… ou encore que le makouke est une monnaie angolaise… que VĂ©ronèse vĂ©cut de 1528 Ă 1588…. et que le chaunacanthe est un protozoaire actinopode… Bref, je n’eus pas Ă©tĂ© moi mĂŞme… Cher indispensable ami, c’est avec un stylo de feu que l’impĂ©tuositĂ© communicative de mes facultĂ©s est dilatĂ©es par mes mĂ©ditations, mais comme j’ai une volontĂ© granitique, je me domine. Oui, j’ai toujours eu des instincts violemment artistiques… Donc soyez bĂ©ni car votre message me va droit au coeur…
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