Hot Deadheads Rod…
Les gamins qui étaient dedans, les vrais, pas seulement les curieux, ni les dilettantes, ni les faux adorateurs, ont abandonné presque tous leurs biens matériels. Ils ont abandonné leurs études, ont fait vœu implicitement de pauvreté et ont erré à travers les USA. Ils mendiaient de la nourriture et des promenades et s’habillaient en haillons, cousant et rapiéçant leurs vêtements conformément à leurs vues anti-mondaines. C’était les années 1980, à l’époque de la viande rouge et des voitures de luxe, mais eux ils mangeaient des repas simples comme du riz et des haricots. S’ils avaient des voitures, c’étaient des Hot Rod’s des Kustom’s ou des Van’s qui, pour ceux-ci, servaient également de quartiers d’habitation rudimentaires et de baisodrômes. Ils avaient des manières sérieuses, franches, ils étaient même susceptibles de s’exclamer avec étonnement et reconnaissance pour les “trucs” les plus simples…
Comme, par exemple, un coucher de soleil, un joli morceau de tissu ou un bol de soupe. Ils détestaient se couper les cheveux. Chaque fois que possible, ils se rassemblaient en grand nombre et, souvent sous l’influence de drogues, se jetaient dans des extases physiques tourbillonnantes. Bien que je n’aie jamais été un vrai dévot de quelconques folies, j’ai assisté à quelques-uns de ces événements alors que je cherchais de la matière automobile pour mes mag’s Chromes&Flammes dont le premier était sorti fin des seventies. Lors de l’un d’eux, je me souviens avoir vu une fille, maigre et couverte de taches de rousseur… Elle était vêtue d’une jupe vaporeuse et de sandales en cuir et balançait ses bras et tordait son corps, les yeux fermés dans ce qui semblait être une transe méditative. Puis elle a rejeté sa tête en arrière et a gémit le nom du gourou principal : Jerrrrryyyyyyyyyyy !
C’étaient le boss des Deadhead’s qu’elle invoquait, bien sûr, pas des membres d’une secte de Hells’Angel’s… Mais il pouvait être difficile de faire la différence entre les Superfans des Grateful Dead’s et les fanatiques des Rolling Stones. En fait, je ne suis pas sûr qu’il y avait beaucoup de différence. J’ai toujours pensé que les Dead’s et leur culture étaient des vestiges de la contre-culture des années ’60, mais la fin du monde semble maintenant devenir un événement “événementiel”…Notez que c’est comme d’autres “faux évènements” que nous pouvons examiner dans le rétroviseur de nos vies…, J’ai alors commencé à penser qu’ils tenaient quelque chose d’autre, quelque chose de tout à fait normal pour chaque culture mais qui en réalité est bizarre. Je pense qu’ils bricolaient les derniers restes d’une éthique des années ’80, car ils étaient fortement matérialistes et spirituellement vides.
Non pas parce qu’ils voulaient être différents, mais parce qu’ils étaient des misérables qui voulaient “autre chose”, parce qu’ils voulaient un système de valeurs significatives et parce qu’ils étaient dégoûtés et aliénés par une culture matérielle vulgaire… Les Grateful Dead’s, ne m’ont jamais vraiment passionné, principalement parce qu’ils passaient leur vie sur les routes à glander… Ils aimaient un groupe, puis un autre et un autre encore. J’avais connu une super fofolle qui avait eu une expérience sexuelle avec les Dead’s, elle a rompu avec moi après quelques heures en me glissant dans les mains une page pliée en deux, arrachée d’un cahier à spirale, sur laquelle elle avait recopié au crayon les premières paroles de “Ripple”, un classique des Dead’s. Un mot plus long suivait, mais ce sont ces vers dont je me souviens… Ouiiiiiiii ! Je me souviens…. Ouiiiiii…
“Si mes mots brillaient de l’or du soleil / Et que mes mélodies étaient jouées sur la harpe non cordée / Entendrais-tu ma voix à travers la musique ? La serrerais-tu contre toi comme si c’était la tienne ?”... Waouwwwwww ! Je ne suis toujours pas sûr de ce qu’elle voulait me transmettre ainsi. J’ai pourtant essayé plusieurs fois de décrypter, mais sans succès. En fait, j’avais alors beaucoup de mal à comprendre ce que disaient les fan’s les plus ferventes des Dead’s. Quand j’ai appris cette semaine le décès de Donna Godchaux, membre du groupe pendant une grande partie des années’70, à l’âge de 78 ans, cela m’a fait frissonner d’en avoir deux de plus et j’ai replongé dans les longues discussions pointues sur les différentes incarnations des Grateful Dead’s que j’entendais par hasard. Tous les fan’s avaient leur avis sur les membres (et les adeptes) authentiques du groupe, et sur les simples opportunistes.
Les Deadhead’s partageaient un système de croyances et un code de conduite, et, c’était un véritable culte. Bien sûr, la mort du membre le plus célèbre du groupe, Jerry Garcia, en 1995, a sonné le glas des Grateful Dead’s. Du moins, les officiels, car certains membres restants, désormais appelés Dead’s & Company, ont continué à tourner jusqu’à récemment. J’ai des proches qui suivent encore cette formation. Mais, j’ai cessé de m’intéresser à tout ce phénomène jusqu’à il y a quelques temps, lorsque je me suis retrouvé à papoter de Hot Rod’s avec un rebelle. J’ai alors commencé à repenser à cette époque des Eighties où un chapiteau itinérant de marginaux sillonnait les USA, accueillant à bras ouverts les jeunes en mal de spiritualité. Aujourd’hui, avec Donald Trump au pouvoir des USA et d’une partie du monde, je me demande si c’est précisément ce dont la jeunesse actuelle a besoin ?
De quoi ? Vous voulez que je fouille plus encore ma mémoire ? Ouiiiii… C’était une tournée avec les pépères survivants des Grateful’s Dead’s, ou du moins quelque chose d’approchant. Ils n’étaient quasiment jamais diffusés sur les radios commerciales des Eigties, on les découvrait par un ami plus âgé, un vieux con déphasé plutôt que par une campagne marketing ciblée ou MTV, qui n’existait même pas encore. La musique parvenait dans les ’80 par le biais de relations humaines. La véritable façon d’apprécier les Grateful Dead’s, pour ceux et celles qui aimaient, c’était d’aller à leurs concerts, que ce soit en y assistant ou en écoutant les enregistrements pirates. Même les fan’s les plus fervents collectionnaient sans cesse ces bootlegs : des cassettes audio dont les titres étaient griffonnés au stylo-bille, comme “Red Rocks ’78” ou “Ithaca ’77”.
Ces concerts interminables étaient mémorisés, étudiés et analysés en détail ; ils étaient aussi copiés d’une cassette à l’autre. Dans un article du New Yorker paru en 2012, Nick Paumgarten a écrit à propos de ces cassettes que même la qualité sonore médiocre était un élément pervers de leur charme. Pfffffffff ! Chaque cassette semblait avoir sa propre note de déclin, comme le goût de la ferme dans un vin ou un fromage. On aurait fini par les aimer, comme on aimerait un chien à trois pattes. Les Grateful Dead’s jouissaient d’un statut quasi-mythique… Je me souviens qu’en 85 alors que commençait en France la guerre du Kustom entre Chromes&Flammes et Nitro, d’un gamin chinois maigrelet, vêtu d’un poncho-couverture façon cocaïné guatémaltèque qui lui arrivait presque aux pieds, discutant avec enthousiasme des subtilités d’une aronde jaune disposant d’un rachitique 4 cylindres..
Son groupe, tous en jeans rapiécés et déchirés, les cheveux longs et hirsutes jusqu’aux épaules balançaient leurs têtes de pifs en laissant échapper des organonymies façon Freaks and Geeks d’adolescents déjantés préférant American Beauty à American Graffiti… Ils avaient les hanches et les épaules qui se balancaient, les mains qui dessinaient des formes lyriques dans l’air, le visage empreint d’une extase quasi homosexuelle. Même les fans les plus inconditionnels de Taylor Swift ne réussiraient pas à accepter ce genre de communauté. J’ai été témoin de ces conversions à maintes reprises. Je me souviens de ses bêtises, pour un peu ils auraient porté des salopettes violettes délavées avec des colliers… Le pire c’est qu’ils s’infiltraient dans les “concentres” vêtus de haillons, faisant des saltos arrière sous l’effet de l’alcool et de drogues.
Je me souviens que le chef de bande, à l’épaisse chevelure rousse et frisée s’était lancé dans une conversation philosophique profonde s’enthousiasmant pour une aronde peinte façon œufs brouillés. Aujourd’hui, je me demande si le Kustom et le Hot Rodding ne seraient précisément ce dont la jeunesse actuelle a besoin pour se laver le cerveau des combines de BDSMTV incitant à la guerre atomique, ou du moins quelque chose d’approchant. Car de trop écouter les discours politiques, voulant imposer les exigences du monde, même les plus banales qu’est de crever pour la patrie… Proposez-leur de faire la vaisselle, d’aider leurs parents… Ils sont incapables d’adresser des mots doux à leurs amours…. J’ai grandi à l’époque des curés (années ’50 et début ’60, mais l’athéisme s’est imposé dans les années’70 et’80, mes parents, légèrement agnostiques, se sont éloignés de l’Église suite à divers scandales et déceptions.
Nous entendions tous des histoires de nonnes sadiques, de prêtres pédophiles et de la corruption de l’Église catholique, le mythe de la création, la pensée unique et les expressions patriarcales comme “mon père, mon Saigneur”, qui heurtaient mes principes, c’est terminé… J’ai tout envoyé chier…Tant mieux ! Mais, je ne pense pas que nous ayons vraiment pris conscience de tout. Il suffit de se pencher sur le cas des Deadhead’s pour s’en rendre compte. Ces ados portant les braises d’un système… Mais c’étaient des fausses valeurs disparues depuis longtemps et eux étaient convaincus que c’étaient des trésors précieux, qu’ils chérissaient. Ils avaient des textes qu’on pouvait disséquer à l’infini, ils recherchaient des expériences extatiques et ils avaient une figure quasi messianique, voire prophétique. Les Deadhead’s n’étaient pas toujours les jeunes qu’on imaginait. Ils avaient aussi des mantras.
Dans un restaurant où j’aimais aller fin des Eigthies, il y avait un jeune qui venait travailler avec un t-shirt tie-dye qui dépassait de son uniforme de serveur et il affichait un bracelet tressé fin au poignet. Il avait souvent la gueule de bois et peinait à terminer son service, transportant de lourds bacs à boissons et fredonnant doucement, d’un air las, les paroles de “Touch of Grey”. “Je m’en sortirai / Je m’en sortirai / Je survivrai”... qu’il chantait… Pfffffffff ! Il les répétait comme une prière. Et puis, il y avait les pèlerinages, les concerts qui, tout comme les “concentrations Kustom’s”, exerçaient une influence maléfique, constituant un point de ralliement, un symbole et souvent une épreuve de foi, que de coltiner à faire des heures de route pour assister à une concentration de tentes de camping dans la boue avec des hirsutes faisant des barbecues odorants autour de leurs van’s…
Leur seul espoir était d’obtenir de quoi se payer une peinture murale au pinceau, c’était monnaie courante. Les chasseuses de fric et conneries de dernière minute brandissaient des pancartes en carton où l’on pouvait lire : “J’ai besoin d’une bonne baise miracle”... Et elles ramassaient du fric… Mais aussi de la ch’touille purulente… Beeeerkkkk ! Aux USA c’était pareil en pire, les vendeurs de pièces et garages de Kustom’sCars’s qui venaient faire de l’épate, étaient réputés pour faire beaucoup de dollars. Mais rien d’étonnant : la richesse et le matérialisme n’ont jamais suffit à l’être humain. Bien sûr, cette Kulture avait les mêmes problèmes que toutes les autres. Et il y avait la drogue. Les groupes Rock et leurs adeptes étaient de grands consommateurs de substances illicites, souvent en quête de transcendance. Il y a eu des victimes et des tragédies, dont certaines se sont déroulées au ralenti.
J’ai connu des fans du Grateful Dead’s qui ont sombré dans l’héroïne, jusqu’à faire des overdoses, et d’autres qui semblaient avoir perdu la raison à cause d’une surdose de LSD. Beaucoup ont réussis ainsi à se crever… Je connais quelques survivants, aussi bien de la zique des Grateful Dead’s que des Van’s et Kustom’s qui, sont aujourd’hui aux plus jeunes, des quinquagénaires, mais les sexagénaires et plus comme moi (76) sont restés eux-mêmes et conservent précieusement leur collection de magazines Chromes&Flammes, Calandres, AutoChromes (et TopWheels aux USA)… La longévité de mes créations suggère qu’au-delà de l’aventure, il s’agissait avant tout d’un autre monde… Je vois aujourd’hui que les folies reprennent avec les “Swifties”... On entend aussi, souvent, d’innombrables histoires de jeunes filles surmontant la dépression grâce aux chansons de Taylor Swift… Pfffffffffff !
Le New Yorker a affirmé qu’un lecteur en prison pour meurtre y a trouvé Dieu grace à elle. Pendant la tournée Eras, des fans dormaient sur des parkings, fabriquaient des bracelets d’amitié à échanger avec leurs nouveaux amis, et entreprenaient des voyages épiques pour assister aux concerts. Les adolescents ont toujours besoin d’un lieu pour canaliser toutes leurs passions et quêtes de non-sens. Mais, même les Swifties les plus fervents n’ont pas réussi à créer le genre de communauté culturelle soudée dans laquelle vivaient les Deadhead’s. Cela ne veut pas dire que les Dead’s sont restés purs et alternatifs. J’ai fait l’expérience de la culture Deadhead’s depuis les marges. mais j’imagine que si vous aviez été profondément investi, il aurait été difficile de voir les Dead’s devenir grand public, après tant d’années d’être une sorte de société secrète. En 1987, ils ont produit leur première chanson du Top 10, et ce fut la fin…
Les choses sont devenues folles à partir de là. MTV a commencé à diffuser la vidéo “Touch of Grey”. J’ai vu des types de “Frat-boy” porter des tie-dye, et des gamins preppy ont commencé à aller aux spectacles. Une amie m’a raconté qu’elle dormait dans sa Volvo après un spectacle et qu’elle avait trouvé le matin, parmi les vendeurs de chemises, de perles et de burritos pour le petit-déjeuner, un stand de cappuccino “chic”… Cette nouvelle génération n’a rien à voir avec la troupe étrange et surnaturelle des années’80… J’ai à peine pensé aux morts et aux survivants confus et désabusés qui ont eu l’occasion de parcourir les USA avec leurs cohortes de Van’s et Hot Rod’s, avec un code d’éthique, un ensemble de règles… Ils se donnaient comme une mission à accomplir, tout en veillant et se baisant les uns les autres… Ils avaient l’aventure, l’acceptation et la communauté. Leurs parents étaient probablement consternés,…
Ils craignaient qu’ils ne se mettent en danger (alors qu’il était déjà trop tard pour s’en inquiéter, mais n’est-ce pas ce qu’on appelle simplement grandir ? Quoique ! Oui, quoique ? C’est fatiguant tout ce barnum d’aliénés de la société décadente, ils ont pris l’initiative de vouloir créer spontanément un nouveau monde qui fournirait tant de ce qui manque à notre contre-culture et qui manque toujours à plein de gens qui n’auront jamais de réponses aux questions qu’ils ne se posent pas…. Il y a quelque chose de beau dans le là-là-là-dedans du Hot Rodding… Yeaaaahhhh ! Voilà, j’en termine enfin, ici, je sors littéralement crevé d’avoir tapoté ces souvenirs qui, sans doute, voire peut-être, quoique finalement je n’en sais rien et n’en connaîtrait rien, et qui ne vous “parleront” pas, ce qui serait alors une perte de temps de ma part, à récupérer sur un autre texte… Pffffffff !



































