Corvette C1-1953/1962…
Elle est née lourde et laide…, si elle doit mourir un jour, bien des gens conserveront ces deux adjectifs dans son épitaphe.
Emprunté à la topnymie maritime au sein de laquelle il désignait un croiseur de haute mer, le nom de Corvette est maintenant aussi célèbre dans le jargon automobile que celui de Porsche, Jaguar et Ferrari…
Au même titre que ceux-ci, il fait partie de cette branche de la légende automobile qui prit ses racines sur l’autre rivage de l’océan Atlantique…
Les américains ont longtemps vu en ce nom de Corvette (ce nom a été suggéré par Myron Scott, employé de Campbell-Ewald, l’agence de publicité de Chevrolet en 1951)…, la concrétisation intégrale du concept de sport automobile, pourtant, c’est un peu par hasard que la première Corvette vit le jour…, c’était à l’époque où Ford et Chevrolet s’affrontaient sur les circuits américains en des batailles farouches.
Tour à tour, l’un et l’autre des deux antagonistes prenaient l’avantage… et Chevrolet avait eu la main particulièrement heureuse en s’adjoignant les services d’un jeune pilote qui lui avait été recommandé par sa filiale Argentine et qui n’était autre que le jeune Juan-Manuel Fangio.
Mais, le succès aidant, le jeune pilote rêvait de gloire et commença à se distinguer en Grands-Prix, Chevrolet se retrouva dès lors sans pilote de premier plan… et ses voitures marquèrent le pas par rapport aux Ford…, c’était l’époque également où les voitures de sport connaissaient une vogue croissante dans trois pays européens qui se disputaient la suprématie en ce domaine : l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre.
Aux États Unis, Ford avait sorti sa Thunderbird dont le succès fut immédiat, c’était l’époque encore où de grandes courses vivaient leurs heures les plus prestigieuses : les 24 Heures du Mans, la Coupe des Alpes ou encore Liège-Rome-Liège.
Depuis toujours (on peut même dire : depuis la naissance de l’automobile), Ford et General Motors se disputaient les lauriers des meilleurs scores de vente sur le continent américain, la bataille avait commencé très tôt entre eux et bien avant que ne soit fondé le groupe géant qu’est G.M.
Tout avait commencé à l’aube de ce siècle lorsque deux ingénieurs suisses, les frères Chevrolet, décidèrent de s’installer en Amérique pour tenter de trouver la fortune dans ce monde neuf que l’on disait plein de promesses…, ils commencèrent par travailler l’acier dans un petit atelier où, bien vite, ils se mirent à fabriquer des pièces pour l’industrie automobile…
William Capo Durant dirigeait les destinées de Buick, il remarqua les deux frères dont l’un d’eux, Louis, se distinguait en compétition et les incita à entrer à son service…, mais, peu après, pour avoir voulu promouvoir un programme d’expansion trop ambitieux, Durant perdit sa place chez Buick, parvenant néanmoins à convaincre les frères Chevrolet à le suivre et à créer, à trois, une marque automobile qui porterait leur nom.
Bientôt naquirent les premiers prototypes de la Chevrolet Motor Company of Michigan, c’étaient des voitures de luxe et de haut niveau où primait la qualité de construction…, elles étaient mues par des moteurs à six cylindres de 4,9 litres qui, très vite, connurent un important succès auprès du public.
D’emblée, un des principaux objectifs de Chevrolet fut de construire des modèles de haut standing que l’on pouvait proposer à des prix compétitifs grâce à une extrême rationalisation de la construction.
Par la suite, Chevrolet fut rattaché à la General Motors et, dès lors, entra directement en concurrence avec Ford ; une concurrence qui débuta avec le lancement du modèle 490 dont l’objectif était de rivaliser avec la célèbre Ford T.
L’expansion de Chevrolet fut foudroyante et, en 1927, la firme passa en tête de la production américaine avec un chiffre de ventes dépassant le million d’exemplaires.
Ford reprit le dessus peu après et Chevrolet le lui ravit à nouveau deux ans plus tard…, puis il eut la Grande-Crise, suivie du New-Deal et intervint la guerre 41/45, après laquelle l’intense chassé-croisé repris de plus belle…, qui, en 1953 donna incidemment lieu à la naissance de cette fameuse Corvette qui deux ans plus tard fut contrée par la Ford Thunderbird.
John MacLean ingénieur chez Chevrolet, qui se singularisait par des méthodes de travail sortant de l’ordinaire, était convaincu qu’il était impérieux de créer un “petit” roadster sportif avant-gardiste car construit à moindres coûts en fibres de verre…, comme c’était le seul ingénieur qui sortait du lot commun, Maurice Olley, directeur de la section développement de G.M., sous la supervision de Harvey Earl qui, en mars 1952 avait été impressionné par le concept-car Alambic créé par Earl Ebers de Naugatuck chemical pour montrer les possibilités offertes par le plastique renforcé de verre…, lui confia la “responsabilité” de la nouvelle sportive.
Quand il se mit à l’ouvrage, au lieu de penser à une toute nouvelle automobile d’avant-garde, il commença par dessiner l’arrière d’une carrosserie simpliste, installant les deux sièges le plus près possible du pont afin de donner à la voiture un long capot avant et lui faire suivre ainsi la tendance instaurée par la mode anglaise des voitures de sport !
C’était mal-parti… et dans cette ligne en zigzag arrondie John MacLean se simplifia la vie en réutilisant tout ce qui était possible dans les catalogues de la General Motors, dont un châssis basique de type agricole issu d’un Pick-Up utilitaire avec un essieu arrière rigide sans jambes de force ni stabilisateur, maintenu par des ressorts semi elliptiques…, et une suspension indépendante avant sans barre stabilisatrice…, c’était désuet…, mais chez Chevrolet, le châssis des voitures, c’était accessoire du moment qu’il était robuste…
John MacLean, s’inspirant du moteur 6 cylindres en ligne des Jaguar XK120 s’entéta à vouloir utiliser un bloc semblable quoique Chevrolet ne possédait pas, au sein de sa production, d’un moteur suffisamment musclé pour satisfaire aux prétentions qu’il caressait pour “sa” voiture.
On remit sur le métier un antique six-cylindres qui avait déjà propulsé une longue lignée de Chevrolet…, on travailla le taux de compression, l’admission, l’échappement, l’arbre à cames, l’alimentation…, bientôt, le vieux moulin accusa enfin 142 chevaux (au banc) et reçut une boîte automatique à deux rapports (sic !) dont le levier, piqué dans la console centrale comme une aiguille à tricoter dans une pelote de laine, devait ajouter un aspect sport dans l’habitacle !
L’affaire était faite, la Corvette était lancée et fut présentée en grande pompe à New York à l’occasion du Motorama 1953 ou elle trônait en place d’honneur, comme un joyau dans un écrin fastueux…
Voici une bribe du discours que prononça Tom Keating, alors directeur de Chevrolet, lors de la présentation à la presse, exprime sans ambages les objectifs qui avaient présidé à la production de cette voiture : “Nous avons voulu construire une voiture de sport suivant le concept américain, c’est-à-dire, non pas une voiture de course, mais un véhicule destiné à satisfaire le goût de la beauté, du confort et de la commodité qui caractérise notre peuple. Tout cela, avec des performances extraordinaires. Dans le monde entier, les voitures américaines évoquent le luxe et la qualité, notre Corvette suit les mêmes principes, sans aucune concession à l’économie comme c’est le cas pour les voitures européennes”…
Ce fut l’échec total…, d’abord, la voiture coûtait trop cher…., ensuite son aspect ne s’approchait guère du concept d’une voiture avant-gardiste et en finale, comme ses performances n’étaient pas à la hauteur des promesses que renfermait sa ligne, elle ne plaisait pas aux jeunes qui préféraient les Hot-Rod’s…, à part ça, les premiers acquéreurs de cette voiture découvrirent non sans une certaine inquiétude : que lorsqu’ils s’installaient au volant, leurs genoux venaient heurter douloureusement la colonne de direction ET le tableau de bord…, que la voiture ne disposait pratiquement pas de reprise…, que dans la première courbe négociée à vitesse un peu élevée un survirage épouvantable se produisait…, que le chauffage était en option…, qu’il n’y avait pas de direction assistée…, que les vitres latérales étaient identiques à celles d’une voiture des années trente…
Ajoutez à cela une politique de vente tout à fait catastrophique de la part de Chevrolet qui, puisque pas grand monde ne se précipitait pour acquérir une Corvette, non seulement avait réservé un nombre important d’exemplaires aux personnages en vue de la société (les stars d’Hollywood) et gardait les autres au prix fort en salle d’exposition, interdisant que les concessionnaires les bradent pour “passer à d’autres modèles plus vendables”, afin que ces “invendus” soient une sorte de vitrine alléchante de la production !
Durant les deux premières années (1953 et 1954), ce ne furent que balbutiements : la construction de la voiture avait été décidée à la hâte et les concepts originaux dont on voulait la gratifier posaient de nombreux problèmes qu’il fallait résoudre au fur et à mesure de l’avancement de la construction, à tel point que l’on peut presque parler de bricolage gigantesque, si l’on s’en refère à ce qu’est la naissance classique d’une voiture !
La principale raison de cet état de choses était le choix de l’utilisation de polyester pour la carrosserie, car à cette époque, la technique de la fibre de verre fixée à la résine n’en était qu’à ses premiers balbutiements…, les usines exploitant le procédé étaient pour ainsi dire inexistantes…, c’est à ce point vrai que l’usine qui décrocha le “fabuleux” contrat de fabrication des carrosseries était une fabrique de pâte à papier au bord de la faillite qui avait décidé une rapide reconversion en apprenant l’offre de Chevrolet !
Autre “gag” : lorsque les premières voitures sortirent de chaîne, les ouvriers avaient boulonné à la masse de la voiture (donc, dans la matière même du polyester) une tresse en cuivre fixée à la borne négative de la batterie…, imaginez qu’il fallut plusieurs semaines aux “irresponsables” pour comprendre pourquoi rien ne fonctionnait en actionnant la clé !…
Les 4 projets Corvette 1953 : Roadster “EX-122”, Hard-Top, Station-Wagon “Nomad”, Coupe “Corvair”…
Les pontes de General Motors sauvèrent le bébé via des promotions et publicités destinées à présenter la Corvette comme étant l’enfant chéri des stars de Hollywood, même si aux “States”, on n’aime pas trop les révolutions et que la ligne de la Corvette sortait trop ostensiblement des sentiers battus.
On avait prévu d’en construire 10.000 exemplaires…, 4.000 seulement sortiront de la nouvelle chaîne érigée à son intention et 2.800 seulement seront effectivement vendues !
Le projet Corvette avait sérieusement du plomb dans l’aile, cependant, à la tête de Chevrolet, des hommes continuaient à y croire et, en 1954, Ed Cole, alors patron de la marque fit appel à un belge d’origine russe : Zora Arkus-Duntov pour remettre le projet sur pied…, un élément l’avait conforté dans ce sens : l’annonce en 1954 que Ford allait dévoiler en 1955 une bien meilleure voiture que la Corvette, la Thunderbird…, a empèché que Chevrolet stoppe la fabrication de la Corvette !
Ford était réellement l’ennemi numéro 1 de Chevrolet, de plus, c’est dans le même temps qu’arriva d’Europe la Mercedes 300SL qui ne manquait ni de charme, ni de sophistication technique alors que la Corvette, elle, était seulement clinquante.
G.M. l’avait voulue peu coûteuse…, mais il fallait tout de même payer pratiquement le prix d’une Cadillac pour l’obtenir… et…, si elle faisait le poids par rapport à ses concurentes, c’était réellement parcequ’elle était lourde…, avec un comportement routier absolument incompatible avec le prix demandé.
Duntov s’attaqua d’abord au châssis, changea pratiquement tout ce qui concernait les antiques suspensions et exigea un nouveau moteur : “Un V8 sinon rien”… et en 1955 la Corvette était disponible avec un V-8 de 225 chevaux, alimenté par deux carbus quadruple corps, elle accélérait en 7,5 secondes pour le 0 à 60 miles et se “tapait” plus de 150 miles en pointe (plus de 240 km/h)…, Chevrolet, gourmand, voulait non seulement détrôner la Thunderbird de Ford, mais aussi créer une brèche dans les succès glanés par les sportives européennes qui n’en finissaient pas de s’imposer aux Etats Unis.., c’est une longue histoire !
Pré-production Corvette EX-122 1953
Mal acceptées au début comme le sont en général toutes les nouvelles réalisations, les Corvette 53/54/55 font aujourd’hui partie intégrante du “rêve américain” dans sa forme la plus intense, elles atteignent actuellement une complète maturité, ce qui ne veut pas dire que les modèles que l’on propose aujourd’hui soient (proportionnellement) plus alléchants que les premiers modèles qui furent exposés en 1953 !
Les voitures américaines se sont avérées de tout temps, être pesantes et massives et en totale contradiction avec la finesse des lignes imaginées par les stylistes de l’Ancien Continent, la Corvette n’échappe pas à cette règle et pourtant, en Europe, prolifèrent des clubs de “fans” de cette voiture, et certaines firmes se sont imposées comme spécialités de l’accessoire pour Corvette.
Des revues spécialisées sur le sujet sont régulièrement éditées et de nombreux ouvrages lui sontt consacrés, il existe même des ouvrages de référence qui répertorient les modèles et les classent en fonction de la valeur d’investissement qu’ils représentent.
C’est ainsi, par exemple, que la Corvette ’53 est considérée comme un placement de fonds hors du commun… à condition que certains critères soient respectés : la couleur, notamment, a son importance : chaque année possède sa palette et il n’est pas question de la modifier si l’on ne veut pas déprécier son investissement.
Ainsi, toutes celles qui font partie de la série 1953 originelle (dont 300 exemplaires seulement ont finalement été construits) furent peintes d’un blanc immaculé, l’intérieur étant garni de cuir rouge sang…, un mariage qui ne risquait pas de passer inaperçu d’autant plus que la discrétion d’ensemble de la carrosserie n’était pas la qualité de base de la voiture !
La calandre oblongue et allongée est striée d’une épaisse baguette horizontale dans laquelle on a piqué verticalement des petites barres épaissies en leur milieu, l’ensemble du dessin étant chromé et ressemble à la gueule de ces animaux hideux que l’on trouve dans les livres d’épouvante…, mais le summum de la laideur est tout de même constitué par les phares qui, dissimulés dans la courbure frontale des ailes, sont pourvus d’un grillage de protection chromé lui-aussi, basiquement fixé par une seule vis “parker” dans le plastique…
À l’heure actuelle n’importe laquelle des 300 Corvette 1953 construites “à la main” dans une annexe du concessionnaire Chevrolet de Flint-Michigan, constitue une pièce rare de collection (deux cents des trois cents modèles produits sont actuellement recensés officiellement)…
Il ne faut s’étonner que règne aux États-Unis une véritable “magouille”, des faussaires s’en donnant à cœur joie pour falsifier voire re-créer une 1953 et tenter de la “refiler” à un nouveau collectionneur qui ne comprendra que plus tard qu’il s’est fait gruger !
Mais avouez qu’il y a de quoi : exemple : parmi les premières Corvette de 1953, certaines sortirent d’usine avec des éléments empruntés à la Chevy Bel Air… et il faudrait fouiller loin dans les archives de la marque pour trouver combien d’exemplaires furent ainsi conçus avant que la voiture ne possède ses propres pièces…, de même, le dessin des pare-chocs arrière fut modifié de nombreuses fois… en sus, la Corvette 1953 peut être fabriquée de A à Z avec des pièces refabriquées…, l’amateur n’est donc jamais très sûr de posséder un exemplaire original…, même le moteur peut être “non d’origine” puisque les 1953 étaient motorisées par un six cylindres baptisé “Blue Flame” qui avait déjà propulsé de nombreuses Chevrolet auparavant.
La direction de G.M. avait parfaitement compris le problème dès la sortie de la Corvette en 1953…, mais entre une solution et son application, il y a souvent un pas bien difficile à franchir…, un pas que les stylistes ne perçurent pas tout de suite, obnubilés qu’ils étaient par l’impératif de rendre cette voiture alléchante à l’œil.
C’est à ce moment que Duntov entra dans le cours de la destinée de cette voiture…, ingénieur de grand talent, il estima que la première chose à faire était d’améliorer les performances et le comportement routier de la voiture avant de laisser poursuivre les recherches de style.
Il se livra à de nombreux essais, non seu lement sur des parcours routiers, mais lança également la voiture sur des pistes de vitesse pour tenter d’en cerner les lacunes…, il travailla la suspension mais fut éga Iement à la base de l’apparition, en 1955, du moteur V8 sur la voiture, permettant enfin à la Corvette de sortir de sa torpeur.
Duntov l’engagea en compétition et lui fit passer différents tests d’accélération et de vitesse de pointe…, mais, régulièrement, la voiture était encore tenue en échec par la Thunderbird…, chose qui restait comme un pavé sur l’estomac des dirigeants de G.M.
Parallèlement, le succès commercial restait toujours en deçà des prévisions…, à la tête de Chevrolet, les avis étaient partagés…, d’aucuns estimaient que la voiture devait disparaître…, d’autres pensaient au contraire que la Corvette devait plus que jamais poursuivre dans la voie qui avait été tracée et devenir le symbole du dynamisme de la marque.
Il était impératif de redéfinir les objectifs, d’en rectifier le tir : la Corvette étant une voiture américaine destinée au marché américain…, plus question donc de s’inspirer de près ni même de loin des tendances européennes…, il fallait que la voiture redevienne un véhicule original doté d’une personnalité américaine.
On peaufina la ligne en s’inspirant de la mode et des tendances du marché américain en tenant compte du succès de quelques modèles de grande série, ce qui fait que les versions de 1956 et 1957 proposaient des lignes hautement hétéroclites et pour tout dire disgracieuses !
L’avant, par exemple était constitué par une suite de courbes proéminentes avec une calandre qui, si elle n’avait pas changé, était encore enlaidie par la manière dont elle était positionnée par rapport aux phares sertis dans les garde-boue en saillie.
Latéralement, la voiture présentait des flancs concaves qui ouvraient sur une fausse prise d’air et, à l’arrière, la lourdeur de l’ensemble était accentuée par une nouvelle proéminence des ailes par rapport au coffre…, à l’arrêt, l’œil n’était pas plus gâté que n’étaient les sens au moment de la conduite car le comportement routier accusait tou jours de sévères défaillances, malgré quelques progrès importants apportés par Duntov qui avait pu seulement parer au plus pressé avant de la remettre à nouveau entre les mains des stylistes, eux-aussi pris par le temps.
Parallèlement à l’amélioration de la tenue de route, son objectif, désormais, était d’adjoindre à la voiture un dispositif d’injection d’essence, un système qui en était à l’époque à ses premiers balbutiements.
Il atteignit son but vers la fin de l’année 1956…, le moteur, à ce moment, développait jusqu’à 250 chevaux dans certaines versions, bien que le moteur “client” soit limité à 225…, la transmission automatique Powerglide fut alors remplacée par une boîte manuelle à trois rapports !
Arkus Duntov restait toutefois persuadé que la compétion automobile était le meilleur moyen, non seulement de faire progresser la voiture, mais aussi de la faire connaître.
Aidé par quelques collaborateurs qui partageaient ses idées, il travailla longuement sur différentes versions améliorées qu’il voulait lancer non seulement dans les grandes courses américaines, mais aussi dans l’aventure des 24 Heures du Mans.
Les choses, pour lui, ne furent pas toujours faciles car, à la tête de Chevrolet, les avis étaient partagés et il ne recevait pas tout le soutien qu’il aurait voulu.
Grâce à une suite d’améliorations, dues à un long travail d’étude, la voiture devint toutefois de plus en plus compétitive et commença à faire parler d’elle…, elle décrocha le championnat américain dans sa catégorie après de remarquables performances, notamment dans la difficile course des Douze Heures de Sebring…, parallèlement, le modèle destiné au public était constarnrnent amélioré, mais les acheteurs étaient confrontés à bien des problèmes.
D’abord, les aménagements laissaient à désirer, ensuite, il y avait surtout le système d’injection qui, bien qu’il fut remarquable, se déréglait continuellement… et le réseau de vente ne disposait pas de rnécaniciens suffisamment au courant de la technique !
De ce fait, beaucoup de propriétaires demandèrent ultérieurement son remplacement sur leur voiture par un système classique à carburateurs.
Une fois encore, les chiffres de vente ne furent pas ceux que l’on avait espéré mais une chose était certaine : la Corvette avait réussi à se faire connaître…, des clubs de propriétaires commençaient à se former, l’engouement pour la voiture allait croissant.
Pour Duntov, un élément allait intervenir qui devait interférer profondément sur le destin du projet auquel il consacrait désormais toutes ses forces : l’arrivée de Ed Cole à la tête de la division Chevrolet de G.M…, les deux hommes se connaissaient bien et Duntov se dit que l’handicapante bureaucratie qui l’avait paralysé jusque là, diminuerait quelque peu…
Il ne se trompait pas et son optimisme monta d’un cran en apprenant que Bill Mitchell était appelé à la direction du service de style du groupe, la Corvette pourrait ainsi repartir sur de nouvelles bases, vers de nouvelles conquêtes !
Tandis qu’il modelait la terre glaise, Zora Arkus Duntov songeait que les voitures qui sortiraient de ses mains pourraient bientôt s’élancer à l’assaut des pistes et, il l’espérait, glaneraient non seulement des lauriers mais aussi lui apporteraient de nombreux enseignements à reporter sur les voitures de tourisme qu’elles engendreraient…, il était plus que jamais persuadé que le biais de la compétition était le meilleur moyen pour produire de bonnes voitures de série… et Ed Cole partageait ces idées, aussi un programme précis avait-il été mis sur pied.
Il ne fallut pas attendre longtemps pour que le succès soit de la partie et, bientôt, les Corvette avaient acquis une solide réputation à tel point que les meilleurs spécialistes de la préparation des voitures de compétition s’attachèrent à créer des prototypes plus performants les uns que les autres.
Duntov et son équipe glanèrent ainsi de précieux renseignements et de nombreux défauts furent corrigés sur les voitures de série que l’on avait connues jusque là…, ainsi, le freinage fut-il notoirement amélioré et les chroniqueurs de l’époque furent bientôt unanimes pour admettre que le modèle de série était devenu une véritable voiture de sport possédant de remarquables qualités non seulement de tenue de route, mais aussi en ce qui concerne le freinage et le potentiel du moteur.
Une seule lacune : la Corvette ’58 était encore très bruyante et ses occupants ne jouissaient pas d’un confort égalant celui que l’on trouvait dans d’autres sportives de l’époque, notamment parmi les européennes.
La ligne avait été profondément retouchée, la Corvette était devenue un jukebox…, mais malheureusement pas dans le bon sens…, les formes déjà tarabiscotées des modèles de la génération précédente étaient encore un peu plus complexes, ce qui n’arrangeait rien à l’affaire et l’œil le plus complaisant éprouvait un sentiment de malaise en les contemplant…, du moins l’œil européen, car pour les enfants de l’Oncle Sam, cette Corvette,déjà, préfigurait la voiture sport dans toute sa splendeur.
La partie frontale était l’exemple parfait de la laideur avec une calandre au sein de laquelle on retrouvait le grillage d’origine mais dont les composantes chromées avaient été épaissies…, à gauche et à droite de cette grille partaient deux moignons de pare-chocs qui ne parvenaient pas à dissimuler une hideuse prise d’air ornée d’un cerclage chromé lui-aussi, cet impératif technique avait été obligé afin de permettre un meilleur refroidissement des freins, la voiture était, en effet, devenue beaucoup plus lourde (près de 1500 kg).
A l’avant toujours… et juste au-dessus de ces prises d’air, on distinguait deux phares jumelés, comme exorbités d’une proéminence de l’avancée des ailes…, latéralement, le dessin de caisse ne manquait pas d’allant, mais les stylistes l’avaient disgracié en reprenant la concavité longiligne (et cerclée, comme il se doit, d’une baguette chromée) que l’on trouvait déjà sur le modèle précédent…, pas bien joli… et si l’avant faisait souffrir l’œil par des striures épaisses, sur le capot, l’arrière callipyge ressemblait à la croupe d’une matrone…
Ceci étant, Mitchell avait aimablement marié les couleurs : par exemple le blanc de la caisse s’assortissant à merveille avec le rouge sang de l’habitacle…, mais si le mariage était heureux, il avait usé de cette teinte avec trop grande profusion.
Extérieurement, les renfoncement latéraux étaient ainsi peints, ce qui n’était déjà pas très joli, mais que dire de l’habitacle au sein duquel cette couleur était omniprésente ?
Pourtant, Duntov, Cole et Mitchell n’étaient pas encore contents de cette voiture…, il faut dire qu’ils conservaient dans leurs “cartons”, l’esquisse et les épures d’un modèle qui devait rompre nettement avec les traditions établies jusque là, il portait le nom de code “Q” et renfermait tous leurs espoirs.
Effectivement, quand le premier prototype fit son apparition, on ne manqua pas de s’extasier devant l’audace technique et les options choisies pour cette Corvette qui était vraiment celle de la deuxième génération…, c’est ainsi, par exemple, que la suspension arrière était devenue indépendante cependant que, pour améliorer la répartition des masses et, surtout, pour rendre la voiture plus compacte, on avait rejeté la boîte de vitesses à hauteur du différentiel ; de ce fait, le comportement routier était évidemment complètement changé (le freinage avait également été amélioré).
Cette nouvelle Corvette C2 ne pouvait techniquement entrer en production qu’en 1963, mais Chevrolet décida une semi avancée en mélangeant la moitié arrière de la future C2 avec la moitié avant simplifiée de la C1 1960 !
L’engouement fut total et, pour la première fois depuis la naissance de la Corvette, Chevrolet put annoncer, dans son bilan, des bénéfices grâce à cette voiture…, les amateurs proliféraient et tous semblaient finalement ravis de leur acquisition.
Il faut dire que cette mouture 61/62 de la Corvette était une voiture sport dans le plein sens du terme, la preuve en est que 80% de ses acquéreurs optèrent pour une boîte de vitesses manuelle à quatre rapports.
Le moteur était à hauteur de la ligne assez nettement simplifiée quoique encore très lourde : diverses options étaient proposées dont le plus puissant développait 290 chevaux, ce qui permettait à la voiture des performances assurément remarquables, avec, notamment, un 0 à 100 km/h en 5,5 secondes.
En 1961 et 1962, la Corvette était devenue “la classique sportive américaine”, avec (c’est particulièrement important à remarquer) son nouveau dessin de la partie arrière, préfigurant indiscutablement l’avènement de la Sting Ray C2 qui fut la Corvette best-seller de la construction automobile américaine…
A suivre : La Corvette C2 1963-1967…