2010 Blastolène B-702 Roadster…
Les choses s’en vont ainsi, des semaines se déroulent, je dors des nuits sans rêves, autour de moi mon corps glacé s’étire et masse ses tempes.
À la télé restée ouverte, on joue des clips, un musicien aux dents en or demande en rap si c’est la vie qui a décidé ça.
De temps à autre je me lève, bois de l’alcool, pour trouer le brouillard, respirer.
En d’autres temps je me rallonge, tressaille au moindre sifflement, évite le contact froid entre mes jambes des pythons ramassés au pied du lit.
Ma pensée clapote.
Des êtres me parlent.
Crâne ouvert, on téléphone direct dans ma tête, j’ai comme un bruit dans ma conscience-machine.
Je me lève, je me couche…, une main-araignée court le long du mur.
Je grimpe aux rideaux…, où sont les repères ?
Quelles possibilités mnémotechniques ?
Quels arrières-mondes en jeu dans tout ça ?
De nouveaux cataclysmes surgissent.
Il existe des manières plus ou moins glorieuses de jeter l’argent par les fenêtres.
On peut claquer ses plus-values au baccarat, entretenir moult maîtresses ou parier sa fortune sur un coup d’éclat.
Il en est un qui a choisi d’acheter l’automobile déjantée qui illustre cet article…
Non pas d’occasion, ni même très récente, mais… neuve !
J’en ai d’autant plus le vertige.
A défaut de complète idiotie, je trouve qu’il y a du panache dans cet acte.
Alors que le centre de gravité du marché automobile mondial s’abaisse au rythme effréné des mauvaises nouvelles, l’idée même d’acquérir une vraie fausse vieille automobile, a de quoi déclencher de sérieux fou-rires chez les vendeurs de Renault Citroën congédiés pour cause de délocalisation forcée.
Pourtant, en dépit de l’écolo-hystérie Sarkozyenne sévissant actuellement (le p’tit Nicolas va tout reprendre en main, ce qui augure une bonne branlée), Citroën propose toujours un V6 essence au sommet de sa gamme, telle une branche morte que l’on aurait omis d’élaguer…, ce qui est bien loin des Delage, Delahaye, Hispano-Suiza, Bugatti et Facel-Véga pour la suite et fin du panache automobile français…
La politique a prodigieusement bien fait son œuvre.
Aurait-on touché-là le comble du snobisme ?
J’apprécie la décadence pour parachever tout acte de foi, car à ce stade, il en faut, pour choisir de mettre plus de 500.000 d’euros sur un modèle surtaxable de toutes part, ininmmatriculable car non homologable légalement en Europe (c’est dire qu’il reste un espoir dans l’illégalité)…, sans prestige en dehors des amateurs d’art-décoratif roulant, donc invendable… et surtout soumis à une dépréciation telle qu’il serait plus économique d’allumer une cuisinière ancienne avec des billets de banque.
Pour toutes ces raisons, je suggère que l’on attribue au plus vite la palme d’honneur à ce héros… et qu’on l’élève aux plus hauts rangs du prestige planétaire automobile.
A supposer bien sûr que tel client existe encore, ce dont je doute.
Depuis trop longtemps déjà, mon mauvais esprit d’éternel insatisfait m’inflige une quête sans fin du graal sur roues.
Quel parangon esthétique élevant l’automobile au rang d’art majeur, quel tour-de-force technique échappant aux garde-fous de la production de masse, saurait enfin apaiser mes obsessions absolutistes ?
Si le cheminement importe plus que la destination, mes investigations me préservent encore de la lassitude.
Et si je le tenais, mon absolu roulant, raffiné de coeur et d’esprit, définitivement iconique ?
Haro sur la décroissance et l’éloge des petits chiffres, je renoue, le temps de rédiger cet article, avec les utopies positivistes façon paquebot France, Turbotrain et autre Concorde !
N’est-ce plutôt une chimère ?
La tragédie est faiseuse de mythes.
Il n’est point d’évocation du sujet sans développements préfabriqués sur les conséquences de la crise mondiale.
Aucun cataclysme énergétique n’a durablement écarté les vrais dingues de leur course à la folie.
Non, il suffit simplement de prendre le volant de cette automobile sans nom, croisement sans lendemain d’un matelas pneumatique et d’un pur-sang, pour saisir l’impasse d’une telle synthèse.
Le féru de chrono n’a que faire de son confort dodelinant quand le consommateur de berlines fuit les caprices de son V12 GMC de 702ci…
Mais place au voyage qui transporte d’avantage l’âme que le corps.
Le V12 est bien chaud, la ligne droite est prometteuse.
“Clac-clac”, l’esthétique levier distille sa délicieuse petite musique alors que le bourdonnement débonnaire de la bella macchina mue en hurlement strident.
ROAAAAAAARRR !!!
Le bonheur commence au-delà des 2000 rotations par minute !
S’il devait y avoir équivalent à un tel parangon technologique, ce ne serait certainement pas la Bugatti Veyron, mais la Clénet première série…, qui peinait à dépasser le 140 km/h en toute insécurité !
A 140 avec l’horizon comme seul horizon (sic !), ma longue étrave vogue sur les cahots comme sur l’océan tout proche et je fais mienne la tirade des Valseuses : “tu les sens les pavés, sous la plage mon p’tit bonhomme ?”…
40 ans plus tard, cette chose sans nom autre que Blastolène B-702…, prétend maîtriser le temps et l’espace à 200 à l’heure.
Evolution logique si l’on fait abstraction des problématiques énergétiques et de la vitesse “officiellement dépassée” depuis trois décennies !
Retour sur terre, fin des paradis artificiels.
Je n’achèterais pas cette auto.
De vilaines cloques sous la peintures trop rutilante, un anachronique rétro et trop de Bling-bling ont chiffonné mon puritanisme de l’authentiquement faux.
J’ai la gueule de bois et l’humeur massacrante, mais demain, sitôt l’espoir retrouvé, je me remettrai en quête du graal.
Un jour, je le trouverai.
Je mettrai le feu à mes Prowler’s et Excalibur’s, amies-ennemies de vingt ans et plus et fermerai ce site pour devenir le nouveau Gatsby…
Me connaissant assez bien pour paraître crédible me concernant (sic !), je peux sereinement affirmer que ce n’est pas après-demain la veille.
Les charmes vaporeux qu’elle déploie, indifférente à l’agitation de ce bas-monde, ont déjà fait perdre la tête et leur conscience professionnelle à bien des journalistes venus l’évaluer.
Aujourd’hui, dans le siège conducteur de cette voluptueuse automobile, je survole la bassesse des pensées trop cartésiennes.
A l’image de ces femmes un rien trop mures mais sûres de leurs charmes, cette Blastolène B-702 possède le don rare de me mettre dans sa poche en m’ôtant de l’esprit toute idée de critique ou de comparaison désobligeante (gag !)…
Pourquoi diable m’abaisser à effectuer quelques dérisoires mesures chiffrées quand j’ai la chance de m’alanguir dans l’atmosphère paradisiaque de cet anachronisme roulant ?
Pour remplir mon papier, je me contente de m’en remettre aux paroles d’évangile et puiser mon inspiration dans la mythologie, alors que les traditions volent en éclat un peu partout.
Bonheur des charmes surannés des courbes d’avant-guerre, effet pervers de la modernité ambiante, elle m’est apparue tout à coup étrangement ordinaire et en fin de compte, dramatiquement dénuée de mystique.
Grande fut dès lors ma tentation de juger la Blastolène B-702 comme une simple réplique néo-classique de luxe !
Une simple réplica coûtant la moitié d’une Bugatti Veyron et autant qu’une Rolls-Royve Drophead Coupé ou que deux Mercedes SLR d’occasion !
Enfin, pour la même somme colossale, insuffler quelques chevaux supplémentaires au V12 flemmard de camion GMC de 1960, n’aurait certes pas frôlé l’irrévérence avant la fin de son agonie !
De même, tant qu’à laisser une fortune dans une réplique de luxe à conduire soi-même, j’aurais souhaité que les ingénieurs de cet engin (mais le sont-ils ?), se préoccupassent de la base roulante dont le comportement rappelle davantage mes souvenirs de balançoire que mes premières armes en karting.
Le masque attendrissant de la désuétude tombé, j’ai en effet découvert cette Blastolène B-702 dans toute sa cruelle réalité, à savoir aussi lourde et pataude qu’une Volvo, indécemment trop chère pour ce qu’elle offre et pour tout dire, ridiculement prétentieuse !
Bien entendu, le ridicule ne tue pas et la Blastolène B-702 reste l’un des moyens parmi les plus coûteux de rouler de manière ridicule en char de nabab.
Pour vous en convaincre, admirez, sur les vidéos ci-dessous, la position de conduite, le haut du pare-brise étant au niveau du nombril du conducteur…
Mais le conseilleur (moi) n’est pas le payeur (en l’occurence Randy Grubb, l’inventeur et propriétaire de l’engin) !
Blastolène…, c’est bien ça… et même, de son nom complet : Blastolène B-702 Roadster “Spécial”…
Du grand n’importe quoi, serais-je tenté de conclure, s’il n’y avait sa réalisation exceptionnelle, toute en aluminium…, dont la ligne qui mélange Bugatti, Auburn et diverses influences de la carrosserie française des années ’30 est due au crayon de Sneaky Pete qui a ainsi tenté de faire réfléchir sur le pourquoi du comment… et j’ai ainsi été choqué de découvrir que je n’avais jamais parlé de la Blastolène B-702 auparavant…, un monstre fait-main en aluminium !
Cette bête est allée récemment à une vente aux enchères Barrett Jackson et y a été vendue pour le prix de 475.000 $ plus frais.
Sneaky Pete fait partie avec des gens comme feu Boyd Coddington ou Chip Foose, de cette école du Hot-Rod qui a précédé le retour aux sources traditionalistes actuelles et qui pousse vers l’épure des lignes, allongeant et abaissant toujours plus, tout en en modernisant la mécanique et poussant à l’extrême la qualité de réalisation.
Un paroxysme stylistique, qui s’est à l’époque largement nourri de la fascination qu’il exerçait sur la Californie d’Hollywood pour pousser jusqu’à l’excès les formes enveloppantes et la signature de cette école, les roues carénées.
C’est donc, via cette recherche de la ligne de fuite ultime, un cheminement finalement assez logique qui a poussé Sneaky Pete, comme Coddington et sa Whatthehaye, vers l’âge d’or de la carrosserie française “fondante”, comme le montre cette Blastolène B-702 pleine de références et d’admiration pour Saoutchik, Figoni & Falaschi, Letourneur et Marchand ou Jean Bugatti.
La Blastolène B-702 reprend sans vergogne ces codes, en y ajoutant un autre fétiche de Sneaky Pete, la partie arrière Boattail… et il faut avouer que le résultat est somptueux même si on ne sait pas bien où le placer !
Trop imaginaire pour être classique, trop codifiée pour être moderne, la Blastolène B-702 “Spécial” Roadster se posera toujours des questions métaphysiques sur son identité.
La grosse bête, si l’on veut la chercher, vient de la motorisation, un V12 GMC-Truck de 702ci datant 1960…
Ce n’est cependant qu’un non-sens pour une auto qui, après sa vente chez Barrett-Jackson, passera le plus clair de son existence au repos sur les pelouses manucurées de Pebble Beach ou dans les showrooms de maisons spécialisées dans l’exotisme de luxe et de qualité !