Hot Rod Lil Grape’34 by John Foxley
En un click vous voici au Canada, pays des Caribous et des lacs…. Le Canada, c’est un peu comme l’appartement géant du monde : 10 millions de km² de nature, de lacs et de neige, avec quelques villes pour rappeler qu’on vit au XXIᵉ siècle. C’est une monarchie constitutionnelle (oui, Charles III, mais il vit à des milliers de kilomètres et on le voit surtout sur les billets). La capitale ? Ottawa. Environ 38 millions d’habitants se partagent ce terrain de jeu, coincé entre l’Atlantique, le Pacifique et l’Arctique (pour les amateurs de froid extrême). On parle anglais et français, parfois dans la même phrase, et les natifs y sont connus pour leur politesse légendaire… Bref, le Canada, c’est un pays où on peut faire du kayak, du ski et manger une poutine dans la même journée si on survit à la météo. Les Hot Rods y sont des références pour débats si des Hot Rodders se rencontrent.
Quand l’avion descend vers Vancouver, je vois déjà les montagnes enneigées, les forêts infinies, et les pick-up qui semblent avoir été construits pour survivre à l’Apocalypse. Je me dis : “Bon… ça commence”... À la douane, un agent moustachu me regarde, lit mon passeport, puis me lance : “Patrice De Bruyne… t’arrives icitte en décembre ? T’es fait fort, mon homme”… Je souris. Je crois que c’est une blague. Ce n’est pas une blague. je sors de l’aéroport, le froid me frappe comme un coup de pelle. Le Lil Grape de John Foxley, un Hot Rod Coupé Ford 3 fenêtres de 1934, est stationné là, c’est à la fois un Hot Rod des années 1950 et une voiture de spectacle du début des années ’60, grâce à une très belle variante de couleurs bonbons grâce à un “fade” classique inspiré de Gene Winfield. Beaucoup ont dit à Foxley (le propriétaire de la bête) que son entreprise ne marcherait pas : “Elle devait être une voiture plus rugueuse, à la manière des Lakesters, mais d’une couleur plus foncée”, me dit Foxley, qui a échangé sa Pontiac de ’55 puis sa Chevrolet de même année ’55 contre la coque roulante de ce Coupé Ford’34 avec un tas d’autres pièces… Fan des coupés emblématiques de Piersen Brothers et Alex Xydias en Californie, Foxley me dit que son principal objectif stylistique était “Un coup super dur sur le haut”... Je comprend pas, il enchaine : “Je voulais qu’il soit haché autant qu’on peut découper une voiture et continuer à la conduire. La peinture est née d’une relation nouée avec Gene Winfield quelques années plus tôt”…
C’était lorsque l’icône de la voiture personnalisée (décédée il y a plus d’un an d’ici) a posé un “décolorement” sur le Hot Rod de Foxley : “J’aime vraiment son travail. Une fois terminé, il a tellement de cœur et d’attrait intégré”... m’explique Foxley… Je ne comprends pas tout mais lui continue : “Je ne l’ai pas fait, y avait juste son nom sur mon char, même que ça lui donne un succès intégré. Bon, monte, mon Pat’ te va voir ce’quel m’Lil’Grape a din l’ventre ouvert”... Je monte, l’engin pue l’essence, et la neige fondue au mazout. Je me sens déjà dans un film… Foxley est véritablement passionné, il me dit avoir passé 20 heures au stand de peinture KMS Car Parts (Coquitlam, BC) à créer l’un de ses classiques décolorés en utilisant des perles et des friandises House of Kolors sur une couche de base rose. Au final, Foxley estime que plus de 40 à 50 voire 60 couches de base ont été pulvérisées sur son char avec amour, soit près de 10 litres de vernis… Il a en fait commencé avec un “Scellant blanc House of Kolor” et a ajouté un concentré de teintes bonbons magenta ce qui a créé une base rose, puis il a continué à superposer et ajouter plus de teinte “bonbons” jusqu’à ce qu’il arrive à ce qu’il veut. Foxley dit que c’est le procédé de peinture de Winfield et que c’est toujours fascinant mais peut être un peu frustrant en même temps : “Il n’y a pas vraiment beaucoup de prévoyance sur la façon dont ça va se passer, je peint juste jusqu’à ce que j’ aime” m’a dit Foxley, reprenant les paroles de Gene Winfield…
Il avait confié à Foxley qu’une seule personne, une seule autre figure emblématique du tuning, lui avait jamais donné de conseils en matière de peinture automobile : “John D’Agostino m’avait demandé de peindre une voiture selon ses envies” avait expliqué Winfield à Foxley : “Une fois le travail terminé, il m’a dit : “Tu sais quoi Foxley ? Il faut la refaire, mais cette fois, fais-le toi-même comme tu le souhaites”… Foxley devint ainsi la deuxième personne au monde à donner des instructions à Winfield. Il semblerait que Winfield ait commencé à peindre la voiture de Foxley, mais le résultat était un mélange de rose et d’aubergine hideux. Winfield trouvait le résultat réussi. Foxley, lui, n’était pas de cet avis : “Il a été très gentil. C’est à ce moment-là qu’il m’a parlé de D’Agostino. On a discuté un peu, on a mélangé des couleurs et finalement, le résultat était superbe. Une fois la voiture terminée, il a même signé une affiche en disant que j’étais seulement la deuxième personne à lui avoir donné des conseils en peinture automobile”. Après 850 heures de travail, Foxley affirme que les réactions sont extrêmement positives : “On me dit souvent qu’elle ressemble à une voiture d’exposition du début des années ’60. Et c’est précisément l’effet recherché. J’ai vraiment réfléchi à des scénarios qui justifieraient l’existence d’une voiture comme celle-ci. Je me suis dit que, peut-être à la fin des années ’40 ou au début des années ’50, quelqu’un possédait ce coupé Lakes, mais qu’il était devenu obsolète et non compétitif, et qu’il a donc été remisé pendant plusieurs années.
Sous le capot se cache un V8 Small Block Chevrolet (SBC), un choix que certains pourraient juger banal, mais qui est en réalité parfaitement cohérent avec l’esprit de Foxley : “Dans le monde des Hot Rod’s de Canada, l’important c’est la voiture, pas le moteur”… Foxley me précise que le choix du moteur a été déterminé par plusieurs facteurs : “Je m’étais fixé un délai assez court pour la construction et le châssis était déjà prévu pour un SBC. J’aime les moteurs traditionnels, mais en termes de rapport qualité-prix, rien ne vaut un SBC, et je connais bien ce moteur. De plus, j’avais déjà un V8 383ci (6,3 L) robuste dans mon atelier, et les SBC étaient disponibles au début des années ’60”... Pour résumer, Foxley estime que son Lil’Grape n’a pas besoin d’un moteur extravagant. Après une heure de route dans un paysage qui ressemblait à une carte postale sous stéroïdes, on estarrivé devant un garage isolé, battu par le vent. Foxley a ouvert la porte et fait rentrer son Hot Rod Ford’34 trois fenêtres, violet bonbon, brillant comme un bijou extraterrestre tombé dans la neige. Foxley a sourit et m’a dit : “Ouin, hein ? Ça, c’est pas un char. C’est une religion”… Foxley s’est alors appuyé sur l’aile du Hot Rod : “J’ai eu ça en 2008. Une coque de Ford ’34 pis un tas de pièces. J’ai échangé ma Pontiac ’55 pis ma Chevy ’55 pour ça. Les gens disaient que j’étais fou. Ils avaient pas tort. J’voulais un chop extrême, comme les Piersen Brothers pis Alex Xydias. Un coupé Lakes, mais poussé au maximum. J’ai coupé ça jusqu’à ce que je me demande si j’allais encore pouvoir m’asseoir dedans”.
Il m’a alors montré la ligne du toit. : “C’est bas. Très bas… Pis mon Pat, la peinture… Ah ça, mon gars… c’est du Winfield pur. Gene Winfield. Le maître. Avant son décès en 2025, il m’a fait un fade comme y’en aura plus jamais. 50 couches de base. 10 couches de vernis. Des perles House of Kolor. Pis un peu de magie, j’pense”… Il a baissé la voix pour se confesser ; “La première version était laide en tabarnak. Un mélange de rose pis d’aubergine. Moi j’aimais pas ça. Lui, il trouvait ça réussi. On s’est obstinés. On a mélangé des couleurs. Pis bang : le Lil’Grape est né”… On senait la fierté dans sa voix et j’ai compris que ce Hot Rod n’était pas juste une machine. C’était une histoire. Foxley m’a alors lancé les clés : “Monte. Patrice. On va rouler”… Le moteur SBC a démarré avec un rugissement qui faisait vibrer la neige. On est parti sur une route blanche, droite, infinie. Foxley parlait fort pour couvrir le bruit du V8 : “Le moteur, c’est un SBC. Simple. Fiable. Il démarre même à –40. Les Français aiment ça compliqué. Nous autres, on veut que ça roule”… J’ai commencé à comprendre l’esprit du pays. Soudain, un caribou a traversé. Foxley a crié, hurlé : “TABARNAK, REGARDE DEVANT !”... Le caribou nous a regardé passer comme si on était un documentaire. Foxley m’a regardé avec un sourire dangereux. J’ai senti mon âme quitter mon corps. Le Hot Rod tremblait. Le moteur grondait. La neige tombait… “OK, mon Pat’ là, pèse su’l gaz… mais pas trop… juste assez”... Le Hot Rod a bondit comme un lynx sous Red Bull. À partir d’ici, la réalité s’est déchirée…. Le joual a explosé. La logique est morte.
Le Hot Rod est deviendou une comète violette annonçant le chaos total…LE CHAOS TOTAL… Foxley hurlait : “PÈSE PAS LÀ D’SUS, OSTIE, C’EST PAS UN BOUTON À MICRO-ONDES, C’EST LE CHOKE, TABARNAK DE BOUT D’VIARGE”... Waouwwwww ! “BEN C’EST CLAIR, T’ES FRANÇAIS, CRISSE, FREINE AVANT DE RENTRER DANS L’ORIGNAL QUI REGARDE TON CHAR COMME SI C’T’AIT UN DONUT !”… Le Hot Rod glissait, tournait, a même fait un 360, puis un 720, puis un mouvement qui n’existe pas dans la physique connue, mais seulement au Canada… “LÂCHE PAS, MON PAT, LÂCHE PAS, T’ES CAPABLE, OSTIE, T’ES DANS LE NORD, ICI ON CONDUIT AVEC NOS TRIPES, PAS AVEC NOS CERVEAUX D’MAUDIT FRANCAIS”... J’au cru que mêmes les Cariboux applaudissaient. La neige tombait en cubes. Le moteur chantait l’hymne national. Foxley criait en français, en anglais, en joual, en latin : “BEN NON, PAT, T’ES AU CANADA, ON MEURT PAS, ON GLISSE !”... Le Hot Rod dérapait encore. Je crois avoir vu un ours polaire qui nous regardait passer, perplexe… C’était son voisin… Un orignal qui faisait un thumbs-up… “TOURNE À GAUCHE, PAS À DROITE, OSTIE, À DROITE C’EST LE LAC, TU VAS FINIR EN POISSON PANIQUÉ !”. Le Hot Rod a fait un bond. La réalité s’est pliée. Le temps a ralentit. J’avais vu ma vie défiler… Puis… Silence. Le Hot Rod s’est arrêté dans un mur de neige… Miracle. Tabernac di d’merde ! Bon ben là, mon monde, j’vas vous l’écrire en l’tapotant su,clavier d’machine straight…
“Si vous êtes encore icitte après tout c’que j’viens d’vous raconter, c’est soit que vous êtes ben tough, soit que vous avez rien d’mieux à faire qu’d’lire les aventures d’un Français (moa en personne) qui a failli mourir trois fois dans un char mauve qui sent l’essence pis la témérité”…. Pis là, avant qu’on passe à autre chose, j’vas vous laisser avec deux‑trois affaires importantes, parce que j’suis pas venu icitte d’là bas d’Canada di Merde, juste pour faire des 720 dans un banc d’neige pendant qu’un orignal me jugeait comme si j’étais un donut mal glacé… Première affaire : Au Canada, y fait frette. Pas “mets un p’p’tit manteau”, non non. Y fait frette comme si l’hiver voulait te rappeler que t’es rien qu’un sac d’eau tiède qui a pas d’affaire dehors. Deuxième affaire : Un Hot Rod au Canada, c’est po seulment un char, c’est un test psychologique. Si t’es pas prêt à perdre un morceau de ton âme dans un virage, restez chez vous. Troisième affaire : Les caribous, ça traverse quand ça veut. Pis ça te regarde comme si t’étais l’intrus. Parce que t’es l’intrus. Pis finalement en Quatrième affaire : Ben voilà. C’tait ça, l’essai déjanté. Un p’tit tour au pays du froid, du joual, pis des chars qui brillent plus fort que le soleil d’hiver. On a glissé, on a sacré, on a survécu. C’est déjà pas pire. Allez, attache ta tuque mi lectorat di marde, on s’en va vire ailleurs mais là, mes internautes d’marde, j’vas vo’dire ça ben simple : qui peut survécure à c’te ride‑là, est soit ben chanceux, soit ben innocent, soit un p’tit mélange des deux.
Parce que tsé, rouler un Hot Rod mauve en plein mois d’décembre, dans un pays où l’hiver commence en septembre pis finit en juillet, c’est pas un sport, c’est un sacrement de test d’intelligence inversé. Pis avant qu’on ferme cte page là‑dessus, j’vas t’laisser avec un p’tit mot d’la fin, comme on dit chez les caribous… Quand on a plus rien d’sensé à dire mais qu’on veut pas avoir l’air caves. Écoute ben en m’lisant : “Au Canada, la neige tombe tout l’temps, les chars rouillent avant même qu’tu signes les papiers, les caribous traversent la route juste pour t’faire suer, pis les Maudits Français pensent qu’y savent conduire jusqu’à temps qu’y touchent à un chemin de garnotte. Un Hot Rod, c’est pas un char : c’est un pacte avec le bon Dieu, pis le bon Dieu, au Canada, y sacre fort. Pis moi, j’ai fait mon baptême”… Ouaisss ! J’ai glissé, j’ai sacré, j’ai vu ma vie passer en 4K HDR dans un banc d’neige, pis j’ai même pas pissé dans ma culotte. Ça, c’est respectable. Faque voilà. C’tait ça, mon voyage déjanté au pays du frette pis du n’importe quoi… Si t’as rien compris, c’est normal. Si t’as tout compris, t’es rendu un p’tit peu canayen. Pis si t’as aimé ça… Ben t’es aussi fucké que les tous des autres d’Canada… Allez, ferme ta tuque, pis on s’en va ailleurs. Attache ta tuque avec d’la broche, parce que si tu penses que c’tait fort, c’qui s’en vient p’être pluche tard, va t’arracher les bas pis t’les remettre à l’envers… C’est l’expression officielle, homologuée par le ministère du Frette, pour dire : “Prépare‑toi, ça va brasser comme un Hot Rod dans un nid‑de‑poule en février”…
La suite est toute aussi imagée : “Pis entre toi pis moi, quand un Français commence à sacrer en joual, c’est qu’y est rendu à un niveau de citoyenneté canadienne que même les caribous respectent”… Amen… Abonnez-vous… La dernière pelletée, celle qui transforme mon final en hostie de conclusion canayenne certifiée ; “LE BOUT QUI MANQUE”, qui vient après mon “Amen… Abonnez-vous…”, comme un dernier clin d’œil du pays du frette. LE VRAI FINAL DU FINAL VERSION : “OSTIE QUE C’T’ASSEZ”… Pis là, mon Popu lecteur/lectrice/internaute, avant qu’tu partes en courant comme un Français di’Marde qui vient d’voir sa première tempête de neige, j’vas t’le dire ben franc : “Si t’as lu tout ça jusqu’au bout, t’es rendu plus canayen que la moitié du monde qui passe l’hiver dans un centre d’achats pour pas geler. Parce que tsé, au Canada, on rit, on sacre, on glisse, pis on recommence le lendemain comme si d’rien n’était. On est fait les forts, mais pas intelligents. On survit par habitude, pas par choix. Pis moi, j’ai passé l’épreuve du Hot Rod mauve dans la garnotte, j’ai survécu au caribou qui m’a regardé comme si j’étais un muffin pas cuit, pis j’ai même pas crié. Ça, c’est du progrès”... Faquee là, mon grand, prends-toé une p’tite bière imaginaire, essuie la slush qui t’est restée dans l’âme, pis retiens juste une affaire : “Au Canada, on meurt pas. On glisse. Pis on rit après”... Bon. C’t’assez. Va t’réchauffer, pis reviens quand tu voudras t’refaire brasser la cage et t’abonner si te po radin… Bye…



























