The California Kid…
Lorsque l’automobile mène à une esthétique de vie, à une philosophie épicurienne, ce n’est plus un way of life, c’est de l’utopie… lorsque le bestiau s’affiche à 100.000 euros la passe, ce n’est plus de l’utopie, ça devrait être sanctifié, papalisé, sacralisé !
Lorsqu’on se rend compte que la nécessité peut amener de saines réflexions, on prend conscience qu’on n’est, aux yeux du monde, que la force de travail que l’on vend aux uns afin de rapporter aux autres de quoi financer la retraite de nos anciens… on se met alors, myotatiquement, puisque c’est un code dans notre société, à se poser quantités de questions inutiles, à cet instant plusieurs solutions s’offrent à l’esprit en illumination… et dans ce choix, une vraie réflexion s’impose, pourquoi pas une philosophie ?
Et voilà qu’on songe à passer un dangereux Rubicon, celui du matérialisme existentiel… à notre époque on nous vend plusieurs choses dans une automobile quelconque, du confort, de l’espace, de l’économie parfois, mais rarement l’essentiel, il ne se fabrique plus, le caractère : “Montre moi ta voiture, je te dirai qui tu es“.
Regardez autour de vous, bien peu nombreuses sont les automobiles qui ont du caractère, du charme, une personnalité affirmée, je me passerai des lieux communs sur l’espace utilisable et les rangements, une voiture n’est pas faite pour ranger mais pour rouler… bref les voitures modernes sont à l’automobile ce que la production en matière de beurre est à la matière grasse d’avant guerre, les moins chères en sont la margarine les autres sont pasteurisées et n’auront pas le goût que l’on leur connaissait auparavant.
Avec ce Hot-Rod “The California Kid”, on entre dans ce cercle vicieux, cette caste qui refuse la modernité en tant que progrès… dans la matière automobile, la modernité a apporté le confort, qualité mièvre et molle ainsi que la sécurité, mais n’est-il pas plus noble de préférer mourir en Hot-Rod en étant abattu d’un coup de fusil à pompe sur la Highway 66, que de rouler façon papy en Alfa Roméo coupé 1966 dans le col du Lotaret et s’écraser en contrebas…, où se rendre hémiplégique en roulant en Clio entre Meudon et Jouy-en-Josas ?
Bref voilà la doctrine : rouler classe… tu ne rêves pas, lecteur assidu…, dans une époque toute vouée à l’efficacité si ce n’est à la performance, une fraction d’irréductibles se plaisent à continuer de penser leur mode de vie comme cool, stylé (dans une esthétique qui leur est propre), et surtout, surtout détaché (voire décalé)… cette doctrine pour être efficace doit s’appliquer à toute chose, j’ai dans cette recherche trouvé un appui à mes penchants, un moyen pour soutenir ce défi à la modernité comme qualité première…, trêve de teasing, ces sages se reconnaissent sous le nom de Hot-Rodders.
Le Hot-Rodder n’est pas sectaire, on retrouve par essence au sein de cette caste, énormément d’amateurs du style Américain, gros V-8 glougloutonants, vestes à franges, bottes et jambes arquées…, mais l’éclectisme prime, évidemment.
Sans risquer de me tromper, un Hot-Rod& ne peut être ni basiquement utile, ni fadement performant, ainsi certains sont exclusifs, pionniers, emplis de caractères forts, mais largement pas tous, et bien souvent, pas les plus neufs ni les plus cotés, c’est avant tout de “style” que l’on parle.
Je ne vous saoulerais pas plus de mon enthousiasme pour ce concept, mais lorsque je discourre de Hot-Rod’s, de way of life, je retrouve mes trente ans… une époque d’il y a 40 ans d’ici où les normes n’existaient pas encore, on pouvait quasi tout faire et défaire : des Hot-Rods, des Kustom-Cars, des Répliques, des Vans… et on roulait cool, style California-Kid… ou American Graffiti…
Imaginez la belle Bethsabée qui attendais, fiévreuse après le coup de fil qu’elle venait de recevoir de vous (il n’y avait pas de GSMs, pas d’ordis, pas de Facebook ni de Web-sites)… du bord de sa fenêtre elle vous guettait, vous attendait et au lieu de vous voir sortir péniblement d’une vulgaire Fiat Punto, engoncé dans un tee-shirt trop grand et un short trop court, des chaussures de randonnée et un bob Ricard (mais non je ne force pas le trait), elle voyait s’approcher un Hot-Rod de bonne facture, duquel sortait avec grâce un pur Yankee Franchouille portant, tel l’ancien John Travolta… veste de cuir, santiag’s en chaschlick mercerisé et un indispensable couvre-chef cow-boy dont je vous laisse le choix de la forme…
Voilà c’était la nuance entre un Hot-Rodder et quelqu’autre, homo peu ou prou érectus, si tous les “ceusses” plus ou moins dynamiques, s’étaient donné le mot pour rouler dans des caisses qui plaisir, s’ils avaient adopté un tant soit peu de style…, non seulement on se ferait moins chier actuellement mais surtout on se marrerait vachement plus.
Il faut aussi penser à la valeur d’exemple que ce genre de changement sociétal aurait pu occasionner s’il avait été de grande ampleur : optimisme, ouverture du chakra, plénitude du Karma, avalanche d’endorphines dans le cortex, bonheur…
Je vois déjà arriver des esprits chagrins pour me dire que ça coûtait cher en carburant… et c’est vrai, mais ça pouvait être compensé en diminuant drastiquement los dépenses inutiles… et que ceux qui ne fument pas, ne boivent pas et ne se sentent pas un tant soit peu épicuriens se rassurent.
Ah le voilà le deuxième rideau d’empêcheurs de carburer en rond… ils vont me dire que ça pollue… et c’est pas faux que bon nombre de ces bagnoles sont soit inconfortables, soit bruyantes, soit elles vous grillent les arpions (on a les pieds contre le moulin là-dedans), et que par conséquent on passe pas des plombes dedans par plaisir… enfin un peu quand même, mais bon hein, si c’est pour lutter contre la guerre dans le monde !
J’attends ces atrophiés du cortex, on peut se défier dans la grand-rue, il y a trop d’un écologiste à écraser, j’en ai déjà mangé au goûter de ceux-là…, d’un point de vue purement philosophique, n’est-il pas beau de vouloir à tout prix insérer dans la fonction purement utilitaire qu’est celle de se transporter, une touche de classe, au moins de charme, voire, soyons fous, de charisme… cette démarche est tellement utile, tellement indispensable qu’elle devrait être obligatoire, et surtout élargie à tous les domaines de la vie.
Nous sommes si nombreux à être les sujets d’une existence qui défile trop vite à nos yeux… dans un cadre qui ne nous sied même pas vraiment, je ne vois qu’un remède, recentrons notre existence, redonnons-lui du goût…. brûlons la vie par les deux bouts, mais avec coolitude…
Dans les années 60-70, les films de motards faisaient salles pleines aux USA (et salles vides en Franchouille) c’était en vogue à Hollywood sur les traces de l’Equipée sauvage puis de Easy Rider… En 1974, 5 ans après ce navet mythique le filon semble tari, d’où l’idée scénaristique de remplacer la moto par un Hot-Rod…, une sorte de renouveau puisque les films de bagnoles cartonnaient dans les années ’50… et c’est ainsi qu’a été tourné The California kid, un road-movie avant l’heure.
C’est pas un film, c’est un téléfilm, qui a été diffusé sur la chaine ABC, sans passer par les salles obscures…, mais il a été tourné avec des moyens et un budget décent…., derrière la seule caméra (budget limité), on trouve des routards du petit écran : Howie Horwitz (producteur de la série TV Batman) et Paul Mason à la production, ainsi que Richard T Heffron (futur spécialiste de la série TV en costumes) à la réalisation et Luchi de Jesus (second couteau des B.O. de blaxploitation) au clavier.
Par contre, devant la caméra, c’était du lourd : Martin Sheen (pré-Apocalypse now), Vic Morrow (l’un des djeuns de Graine de violence), Nick Nolte (pré-éthylisme), Michelle Phillips (chanteuse de The Mamas and the Papas) et une apparition de Joe Estevez (petit frère de Martin Sheen, à la ville et à l’écran.)
Le scénario est simpliste, voire débile : on est comme parachuté en 1958 à Clarksburg, une ville Californienne située à un jet de pierre de la frontière de l’état voisin (lequel ? on ne le saura pas !).
Les policiers se payent sur les amendes, alors ils rackettent les personnes qui traversent la ville, en s’abritant derrière des excès de vitesse imaginaires…, le taximan du bled et l’irresponsable de la fourrière en sont complices… tandis que le Sheriff Roy Childress (Morrow) qui est hanté par le chauffard qui a renversé sa femme et sa fille, se venge envers tout automobiliste refusant d’obtempérer, il le balance dans le ravin !
C’est ce qui est arrivé à Don McCord (Estevez.), alors Michael McCord (Sheen), son grand-frère, débarque à Clarksburg pour le venger… comme dans les films de motards, il y a les ploucs, un peu neuneus… et le héros, un peu marlou… mais avec un grand cœur qui s’arrête à Clarksburg…. on retrouve ainsi les thèmes de la liberté et de l’argent qui corrompt, propres aux seventies.
Puis, on a un face-à-face digne d’un western spaghetti… l’étranger mutique et le shérif se cherchent, puis s’observent… le duel final ne se règle pas au Colt, mais sur une route, entre le Hot-Rod Ford ’34 de McCord et la Plymouth Fury gonflée du shérif… il y a aussi un peu de film d’horreur d’avance avec cette Fury (Christine, sera écrit 9 ans plus tard…) qui sème la mort chez les teenagers.
Rien à redire sur les personnages, Sheen fait très bien le beau… Morrow (qui jouait les bad boys 20 ans plus tôt) est un “beau” salaud… le Hot-Rod “The California kid” est superbe et largement mis en valeur… le miracle du cinéma, c’est qu’il peut rouler longuement sur des routes poussiéreuses et rester nickel… à contrario, la Fury a l’air bien fatiguée, alors qu’elle est censée être neuve !
On notera aussi que les voitures au fond du ravin ne correspondent pas forcément à celles sorties de la route… et bien sûr, comme c’est un téléfilm, pas de gros mots, pas de bagarre et pas de nudité, un avant goût de Facebook !
On a donc une série B plus que correcte quoique le scénario n’est pas hyper-original, surtout dans le dénouement…., d’après vous, qui va gagner ? a) le beau gosse, joué par Martin Sheen, devenu l’idole de tout le village ? b) le tyran local, que tout le monde hait, joué par un acteur au creux de la vague ?
Simple téléfilm, il a connu un succès certain, grâce à la popularité du Ford’34 enflammé et la célébrité ultérieure de Sheen et Nolte, d’où des rééditions en VHS, puis en DVD…, la chaine TV ABC ne devait sans doute pas s’y attendre, pas plus qu’Universal qui y a mis des dollars !
Le constructeur du Hot-Rod (à qui l’on doit aussi celui d’American graffiti) a ensuite écumé les shows réussissant à créer un business lucratif, Peter Chapouris a ainsi créé les courses SO Cal…et en est devenu une star du Hot-Rodding, il est est décédé en 2017…
Suite à ce film, les Ford’34 décorées de flammes sont devenus très populaires dans le monde du Hot-Rodding. Quelques films à voir :