Bristol Superleggera Aerodyne 1948
Comment et pourquoi et comment la marque et société Bristol si conservatiste des pesantes habitudes monarchiques Britanniques, est-elle passée de la 400 conçue et construite “à l’ancienne” à l’ère “Aérodyne” ? C’était une question de survie. Cette Bristol Superleggera Aérodyne est l’une des huit voitures fabriquées, elle fut même autrefois la voiture personnelle du patron de Touring lui-même, Carlo Felice Bianchi Anderloni, pour des raisons financières et pratiques, elle s’est avérée quasi invendable et les pontifes de Bristol étaient fauchés, ce qui a amené le Boss de Touring à l’utiliser comme “Daily Driver” dans ses déplacements en quête de clients… Ne vous faites aucune illusion, cette “chose” est archaïque et son design désuet implore la clémence. Pourtant cette Bristol n’est pas pour autant une “Bad-car” comme les “Bad-girls” qui pullulaient les années d’après guerre pour financièrement survivre dans les reconstructions qui se perdaient dans la sauvegarde d’un passé révolu.
Tout devait être familier aux indéfectibles clients plastronnés qui allaient (sans doute) l’acheter (une fortune) et circuler à son bord. La direction était nette et directe, la lumière inondait l’habitacle, la conduite douce s’élevait au-dessus des petites imperfections de la route, évoquant la populaire 401 Berline, un modèle qui avait rehaussé le profil de ce constructeur dit “aérospatial” très respecté et établi de longue date qui, avec le chasseur bi-moteur Bristol Beaufighter avait contribué à la défense britannique face aux attaques de la Luftwaffe nazie. Ces “faits d’armes” devaient donc attirer l’attention des acheteurs nationalistes. Mais la Superleggera avec sa touche italienne faisait penser à Mussolini… Cette Bristol était en effet construite par le carrossier milanais Carrozzeria Touring sur un mandat de HJ Aldy Aldington, l’homme à l’origine de l’adoption de l’ingénierie nazie de la BMW 328 à Bristol après la guerre. Il aurait fallu commenter et expliquer que c’était le paiement en retour des dommages de guerre.
Mais à cette époque l’esprit “Royauté -Britannique” ne pouvait souffrir du souvenir des tourments infligés, qui, entre parenthèse n’allaient que s’amplifier puisque toute l’industrie automobile Britannique va passer sous contrôle de l’ex-ennemi, VW et BMW devenant propriétaire des plus somptueuses marques, Rolls Royce à VW et Bentley à BMW et, cerises sur les gâteux, Jaguar finissant chez Tatamobile, tandis qu’Aston-Martin filait aux mains d’un oligarque Russe… Pauvre Albion… Toutefois, la Berline starlette de cet article, porte une haute couture high-tech et aurait pu permettre à Bristol Aeroplane Company à se refaire une identité plus en adéquation avec l’évolution du monde. Un monde de putes, certes, mais c’est le commun du consumérisme que les faiblesses européennes sont allées quérir auprès de l’Oncle Sam pour sortir du joug nazi. Construire une voiture moderne dans un tel monde aurait nécessité plus d’audace. Non pas que la société Bristol se soit mise à terre sur le dos, les jambes écartées en sanglotant : “Prenez-moi j’ai mes enfants à nourrir”…
Seul le prototype original de Touring de 1947 a été utilisé à l’usine de Bristol en tant qu’aide en classe, véhicule d’essai et éventuel mâle de style pour féconder… Cette voiture châssis 401/206 , est l’une des sept descendantes fabriquées en 1948, construites sur des châssis 401 plus récents pour traduire la confection de la Superleggera, du sur-mesure au sur-mesure. De manière vitale, la forme et la structure de 1947 sont restées presque intactes, de sorte que cette starlette rouge se pavane avec la même étoffe qui a inspiré Bristol. Bien que sa mécanique BMW de l’époque nazie a été adaptée sur le rythme Yankee de l’après-guerre, en 1946, il était devenu clair que la version localisée de la carrosserie de la 400 des années 327 était la saison dernière. Désireuse de se lancer dans les ventes, l’entreprise a poursuivit la production, mais la recherche d’un style plus contemporain qui était en cours restait désuet. Aldy savait exactement où le trouver : l’Italie. S’emparant d’une paire de prototypes de châssis roulants 400, il s’aventura en italie…
Une voiture est allée à la firme turinoise Farina, où elle est devenue un cabriolet à carrosserie sur châssis qui évoquait fortement l’Alfa Romeo 6C 2500 Sport Cabriolet, ce qui lui fit recevoir un accueil glacial à son retour “at home”... Plus de chance l’attendait pour la deuxième expérience : une berline au style vif de Touring, construite selon les principes de la Superleggera. La forme a stupéfié, mais Bristol était beaucoup plus intéressé par la façon dont elle s’accordait. En juillet 1947, peu de temps après l’achèvement de la carrosserie, le cofondateur de Touring, Felice Bianchi Anderloni, et son fils Carlo ont été invités au siège de la British Aéroplane Company à Filton, dans le Gloucestershire, pour partager leurs secrets. La femme de Carlo, Anna, a servi de traductrice. Aidés par le prototype, qui a rapidement perdu la moitié de ses panneaux à cet effet, les Italiens ont passé les deux mois suivants à enseigner leur méthode d’assemblage à tous ceux qui le demandaient, moyennant finances…
Découvrez la carrosserie tout en douceur et enveloppante, raffinée dans un souci d’aérodynamisme. Observez la serre haute et aérée et les longues portes couvrant le seuil. À l’intérieur, vous contemplez le Streamline Moderne épuré de l’habitacle, caractérisé par des lignes nettes et des détails surprenants. Affinée et réinterprétée, chaque caractéristique allait passer de la Touring à la 401 Berline prête à l’emploi. Pouvez-vous blâmer Bristol de jouer l’imitateur contemporain ? Pour une marque britannique dont la 400 locale reposait sur des marchepieds et des ailes séparées, des cadres en bois et des looks d’avant-guerre recyclés, la carrosserie Superleggera était clairement conçue pour une nouvelle ère. Sa dynamique de conduite à grande vitesse était également un pas de géant. Là où la 400 construite à Bristol secouait, gîtait et roulait sur des routes accidentées, se sentant de plus en plus lourde et inerte sous charge, la Superleggera offrait une plate-forme tendue mais beaucoup plus vivante pour le moteur et la direction.
Le secret de ces compétences résidait dans le procédé de construction breveté Superleggera de Touring, une technique qui allait façonner une génération de Bristol à venir. Dans la fabrication traditionnelle de carrosseries automobiles, un cadre en bois ou en métal massif était construit sur un châssis séparé pour supporter généralement des panneaux en acier. Il s’agissait d’une approche laborieuse, lourde mais simple, remontant à l’époque des hippomobiles, que Bristol avait utilisés pour créer le 400. Avec son innovation de 1936, Touring offrait une autre voie. Fonctionnant toujours à partir d’un châssis séparé, le concept Superleggera a réduit son poids et gagné en force en drapant des panneaux d’aluminium sur un cadre en forme de cage. Formée d’une série de tuyaux brasés et interconnectés de petit diamètre, cette structure tubulaire détaillée mais de faible masse donne sa forme à un corps Superleggera – et ne se connecte aux panneaux supérieurs que lorsque cela est nécessaire.
La majeure partie de la peau extérieure reste simplement en place, reposant sur les tubes situés en dessous, mais n’y étant pas attachée, tandis que les quelques points de connexion nécessaires sont principalement formés par emboutissage. Comme Aston Martin l’appréciera plus tard lorsqu’elle a autorisé la méthode de Touring pour construire les DB4 et DB5, plus d’une décennie après Bristol, la combinaison de panneaux en aluminium et d’un assemblage inspiré de l’aviation a permis d’obtenir une carrosserie plus légère et plus solide que ce que la carrosserie conventionnelle pouvait atteindre. Du point de vue du conducteur, cela se traduit par une agilité transformatrice. Lorsque la Bristol Superleggera ne joue pas sur ses forces athlétiques, la cabine peut être un endroit difficile pour s’asseoir. Dans ses tentatives de perdre du poids, le Touring a équipé sa conception d’une isolation de quelque nature que ce soit, de sorte qu’on y cuisine sous l’effet de la chaleur émanant de la cloison et du tunnel de transmission, parfumée par des halètements de vapeur de carburant…
Mais surtout bercée par des engrenages gémissants, des freins grinçants et une gamme de bruits structurels. Les bosses font des bruits sourds de grosse caisse et les compressions déclenchent des fissures en écho, tandis que les coins grincent le corps en alliage comme la coque d’un navire sous pression. La circulation de l’air est un autre défi persistant. Avec les vitres relevées, les pare-brise s’embuent. Déposez-les et l’extérieur arrive, le vent, la pluie et tout. C’est une authentique pute mêlant deux identités… Des mois tourbillonnants ont suivi, l’entreprise conservant le prototype pour aider à créer des modèles en contreplaqué à l’échelle et une réplique de la carrosserie. Les stylistes et les ingénieurs sont intervenus pour rendre la forme plus “Bristol”, en utilisant de la pâte à modeler pour arrondir ses coins, en choisissant de nouvelles lumières et en développant des pare-chocs plus efficaces sur toute la largeur. Le design extérieur de la 401 Berline a progressivement émergé, mais ce n’était que la moitié de la bataille.
Des essais sur route et en atelier ont révélé toutes les faiblesses ergonomiques de la Bristol Superleggera, et aucune ne serait laissée passer à la production en série. Au moment où la 401 Berline a fait ses débuts publics à la fin de 1948, sa personnalité avait été transformée. L’isolation thermique et acoustique était partout, avec des matériaux amortissant les vibrations généreusement appliqués sur les portes et les sols, tandis que les cloisons et les passages de roue redessinés libéraient plus d’espace intérieur. Bristol construisait enfin l’express exécutif élégant et apaisant qu’elle avait toujours prévu. Aldy avait eu raison. Mais il n’en a jamais récolté toute la récompense. Bien que les trois frères Aldington (Aldy, Don et Bill) aient joué un rôle essentiel dans la planification et le développement de la 400, puis dans l’obtention des nouvelles orientations stylistiques, leurs liens avec Bristol ont été considérablement réduits en avril 1947. Il n’y avait pas que de mauvaises nouvelles, cependant.
Pour en revenir à la vente de voitures, HJ s’est assuré la seule concession pour vendre des Bristol à Londres, y compris un approvisionnement en châssis nus. Avec les plans italiens qu’il avait commandés toujours en sa possession, et sachant que Bristol ne les emmènerait pas plus loin, il a mis au point un nouveau plan. Il vendait les deux styles sur commande, soutenus par des trains de course 401. Proposée à un prix élevé et réservée aux acheteurs étrangers (un outil de la politique d’après-guerre “exporter ou mourir” pour injecter de l’argent dans l’économie britannique) la Bristol Superleggera de 2350 £ a rencontré un marché très modeste. Après avoir expédié une première 401 à Touring au début de 1948, les Aldington enchaînent avec six autres châssis roulants en août de la même année. Resplendissante avec une sellerie en corde, la 401/206 finie a émergé sous le soleil italien en 1948, où elle est restée pendant quelques mois mouvementés. Comme l’homme lui-même s’en souviendra plus tard, la Bristol a servi de voiture personnelle à Carlo Anderloni.
Mais a aussi servi de véhicule de reconnaissance aux Mille Miglia et, après avoir été rafraîchie dans son actuelle Rosso Corsa avec une sellerie en cuir, a été la vedette du stand Touring lors d’un salon de l’automobile à Milan. Un changement de moteur interrompt l’action en juin 1949. De retour au siège social de Bristol, avec 1455 miles au compteur, la Bristol a abandonné son moteur 85B d’origine, au profit d’un 85C moderne avec une transmission correspondante. Les deux greffes restent dans la voiture aujourd’hui qui est retournée en Italie peu de temps après, a été vendue à un Suisse, puis a disparu pendant des décennies, jusqu’à ce que la famille Zweimüller la découvre dans une casse genevoise. Restaurateurs de renom de métier, ils ont passé trois ans à restaurer la 401/206 pour lui redonner sa gloire actuelle. Le monde des voitures anciennes l’a remarqué : la Bristol a reçu une invitation au concours de la Villa d’Este en 1997, où elle a été réunie avec Carlo Anderloni. La rencontre a été immortalisée dans un film et a fait la couverture de la biographie du créateur en 2004.
Il signor Touring était aux anges… Quelle meilleure façon de commémorer une carrière ratée ? La Bristol Superleggera est un mélange rare de délices visuels et tactiles. La façon dont les pare-soleil noir violacé s’articulent autour de tuyaux filigranes est tout aussi impressionnante que la façon dont son six cylindres en ligne projette l’intrépide couillon sur la route, se sentant tellement plus tranchant que la norme Bristol. Une manipulation vive et propre et des commentaires abondants partagent mon affection avec l’arc métallique en miroir qui transforme chaque poche de porte en un œil de chat allongé. Mais sans aucun doute, son plus grand héritage est la voiture qu’elle est devenue : la 401. Apprenant toutes les leçons que le design du Touring pouvait enseigner – et construit selon la méthode Superleggera, utilisée sous licence, le première des “Aerodyne’s” a finalement obtenu un retentissant succès d’estime… Voilà que se termine ma petite incursion dans le monde des “authentiques” anciennes…