Badass C2 Corvette Restomod
Midi et quelques. La Highway Florida-Turnpike est ouverte aux déraisons des plus fous. J’étreins le volant, pied droit au plancher entre “je ne sais où” et “je ne sais pas encore”. Dans ce corps-à-corps à quitte ou double avec la force centrifuge, je m’envoie en l’air à chaque virage. Derrière, une Camaro RS a lâché prise, même une Pontiac Firebird n’a pas tenu mon rythme. Seule une Shelby GT500 s’accroche encore. Je sens son souffle rauque pulser dans mon dos. La lutte pour l’honneur m’envenime, m’emporte dans sa sublime absurdité. Cinq mille tours minute et encore du coffre, la furie débridée du V8 a réveillé la bête humaine que je suis devenu. Alors, approche, Shelby, viens que je t’emmène aux limites du déraisonnable, là où même une Cobra 427S/C ne m’effraie plus !
J’attaque, mords méchamment la corde, tends ma trajectoire sur toute la générosité d’une ample courbe. A la reprise en sortie, les élans lyriques de cette Corvette Sting Ray Split Window suréquipée d’un Big Bloc V8 préparé, me propulsent dans des états d’euphorie orgasmiques. Hurle, vocifère, rends-moi fou ô ensorcelante catin d’acier incandescent et de cuirs érogènes ! A Donf du Max… Pied à la planche, le coup de grâce. 180, 200, 220, 240… Point de limitation autres que celles fixées par la faucheuse. A la radio, les Stones éructent Give me shelter… C’est comme un désespoir de mourir. Prions seulement le Diable de mourir ! La Highway me paraît trop étroite quand les bordures de feuillus referment sur moi leur cercueil de verdure
Je touche l’absolu du pied droit tandis que mon existence défile à près de 260 à l’heure jusqu’à ce que sonnera l’hallali, là-bas, au bout de la ligne droite. Contempler la Mort au plus près du gouffre, quelle incommensurable vanité de oisif blasé de vivre ! Un brusque à-coup et mes illusions se barrent. Je crains l’embardée. Je sens un soudain flou dans ma direction, mais que m’arrive-t-il ? La Shelby GT500 refait surface. D’ordinaire, monter en régime m’aurait suffi à la descendre pour de bon. Las, plus de réponse sous le pied droit. Le cauchemar. La cavalerie n’arrive pas à la rescousse. Mes forces s’amenuisent. Il me semble tourner sur 7 cylindres, un cylindre de moins et c’est la fin ! O rage, ô désespoir ennemi, ma zone rouge redescend dans des abîmes de médiocrité !
Je n’entends plus que le râle déchirant d’un moteur qui s’étouffe. Plus rien au dessus de quatre mille cinq cent tours. C’est fini, la Shelby m’envoie au diable. Impossible de revenir. Je crois partir pour de bon dans le décor alors que je me déhanche comme un landau et que mes pneus éreintés me crient d’achever leur supplice. Ma tenue de cap confine au flou artistique. J’ai dû crever. L’angoisse du louvoiement s’empare de moi. Il faut tout arrêter. Au moindre coup de frein, les pauvres plaquettes semblent déjà partir en fumée. Ça sent le roussi, mon terrain de jeu favori n’est plus qu’un chemin de croix. Midi passé d’une minute. Par miracle, je parviens à achever ma course en un seul morceau.
Le passage foudroyant de mes adversaires me ballotte alors comme une coquille de noix. Je descends constater les dégâts. Horreur, il n’y a rien que la platitude désopilante d’une Highway déserte… Consternation et bouche bée. Retenant un cri, je m’écroule à même le sol sous le poids de la confusion. Au bord de la crise de nerf, j’ose encore regarder la Corvette, laquelle ne me renvoie qu’une expression de lassitude. J’ouvre le capot, le V8 LS7 reconstruit par “Texas Speed” semble intact… Il est couplé à une transmission manuelle TR6060 à 6 vitesses et à un pont/différentiel arrière Ford de 9 pouces, la puissance revendiquée s’élève à 645 chevaux. J’ai en tête la voix de Tony qui me dit : “N’oubliez pas de faire le plein avant de vous engager sur la Highway”… Merde…
Panne d’essence et panne de sens… Quoi vous raconter d’autre ? Rien… Sauf les commentaires baratins d’avant cette session d’essai : “Pour s’assurer que la maniabilité de la voiture soit à la hauteur, American Legends a repositionné la carrosserie de la Corvette sur un châssis IRS Full Track, optant pour une largeur de voie plus étroite pour faire passer des jantes et pneus de la série Avant-Garde 420. De plus, la voiture est équipée de freins à disques de 13po ventilés Wilwood à six pistons, d’un embrayage à double disque McLeod. Comme vous êtes à la recherche d’une bonne affaire, cette Corvette est sûre de vous satisfaire. Soyez prudent”. Même si Chevrolet a construit plus de 10.000 Corvette Split-Windows en 1963, ce sont toujours des Corvette qui valent six chiffres en raison de leur statut.
En d’autres termes, la plupart des propriétaires de Corvette considéreraient comme un sacrilège de personnaliser un exemplaire original… Cette Corvette sur-motorisée en est une. Ses points forts sont le look et les performances. Panneaux de custode Meyer Racing. Pare-chocs OEM recouverts de fibre de carbone. Loquets de C6 aux portes. Enjoliveurs de feux arrière en carbone de même que le couvercle de remplissage d’essence. Ajoutez à cela le confort moderne, les jauges/compteurs numériques Dakota et un système audio Bluetooth… Finalement c’est pas le nirvana…Pfffffffff ! À tout le moins, on peut écouter le bruit de l’échappement surgissant des tuyaux latéraux pendant cinq minutes de conduite, jusqu’à la panne des sens et d’essence…